Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. ù 285

France un effet d'autant plus désastreux, qu'on n'imaginait pas que la France républicaine püût être battue. On n'entend de tous côtés que les mots de trahison! L'irritation et la défiance populaires sont encore augmentées par la joie bruyante des aristocrates qui se croient à la veille du triomphe.

Tous ces bruits de trahison n'étaient pas uniquement le résultat naturel de l'affolement des esprits, ils avaient un fonds de réalité malheureusement trop certain. Ces soupçons, qui ne reposaient que sur des bruits vagues et mal assurés, n'étaient que trop justifiés, et l'on peut dire que cet instinct qui poussait le peuple à se croire trahi, n'était en somme que clairvoyance et perspicacité. Tous nos prejets, tous nos desseins, tous nos plans de guerre sont scrupuleusement envoyés aux ennemis; car ces mêmes hommes, qui aux yeux de la nation sont des ennemis, aux yeux de la cour sont des libérateurs. C’est toujours le même malentendu qui se perpétue.

« Marie-Antoinette n'envisage depuis longtemps dans les Ministres, dans l’Assemblée, dans la nation révolutionnaire, que des criminels, contre lesquels tous les moyens sont légitimes. Elle ne se fait point scrupule d'épier ses adversaires et de découvrir leurs desseins aux ennemis de la France : la France, à ses yeux, c'est le Roi, ce sont ses enfants; il s’agit de les - sauver et de les réhabiliter. Louis n’a point de secrets pour elle; elle n'en a point pour leurs alliés. Tout ce