Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

284 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT ne se confirme pas; j'en suis bien aise (le régiment des dragons de la Reine mériterait d'être décimé). Au reste, il paraît qu'il y a eu beaucoup d'exagération dans les détails de cette triste journée. Il fallait voir l'aristocratie, ou, ce qui revient au même, le feuillantisme, laissant éclater sa joie scélérate à travers une tristesse affectée, il fallait l’enfendre exagérer nos pertes, notre fuite, notre honte, controuver une foule de nouvelles également faites pour accroître les inquiétudes et le découragement. Le Lycée est devenu une sentine d’aristocratie, le patriotisme n'ose plus y élever la voix. L'on y disait l'autre jour qu'on recevrait au bout de quelques mois la loi des Autrichiens. Quelle lâcheté ! Quelle impudence ! Mais ce triomphe ne sera qu'éphémère, et nous repousserons bientôt sur les traîtres l’épouvante dont ils ont voulu nous environner. Les soldats montrent une ardeur incroyable et l'amour de la discipline qui commence à se rétablir dans nos troupes, nous est le garant d’une victoire certaine. Les intrigants de la capitale ne cessent de déclamer contre les Jacobins; le projet est formé depuis longtemps de détruire les sociétés patriotiques et les circonstances actuelles leur paraissent propices pour un tel dessein. Cependant, malgré les funestes divisions qui agitent la société mère, ils échoueront encore comme tant d'autres fois, et la honte sera toujours leur partage. »

Les défaites de Tournay et de Mons produisent en