Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

342 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

imaginations s’affolent, on ne voit autour de soi que pièges, perfidies, trahisons ; on se croit déjà sous le joug de l'étranger et des émigrés qui vont exercer d'atroces vengeances et inonder la France du sang des patriotes. On se raconte que des potences sont déjà préparées. pour les Jacobins et on ne parle que des atrocités commises par les troupes étrangères sur les partisans de la Révolution.

Le 2 septembre était un dimanche et l’oisiveté contribuait encore à augmenter le tumulte populaire. De bonne heure se répand le bruit de la prise de Verdun par les Prussiens {. C'est la route de Paris ouverte aux ennemis; ils peuvent être en trois jours devant la capitale. Une exaltation effrayante s'empare de toute la ville :

Q Il n’est plus temps de discourir, s'écrie Vergniaud à l’Assemblée, il faut piocher la fosse de nos ennemis, ou chaque pas qu'ils font en avant pioche la nôtre. »

« Le canon que vous allez entendre n'est point le canon d'alarme, hurle Danton, c’est le pas de charge sur les ennemis de la patrie. Pour les vaincre, pour les atterrer, que faut-il? de l'audace, encore de l'audace, et toujours de l'audace ! »

La Commune décide la levée en masse de tous les citoyens. On tire le canon d'alarme, on sonne le tocsin, toute la ville est debout. Une terreur profonde règne

1. C'était une erreur, Verdun n'était qu'investi.