Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)
PENDANT LA RÉVOLUTION. 35
habitué à contempler toutes les misères, à voir de sang-froid les plus navrantes douleurs.
Il n’y a pas plus de 1000 lits, dont 600 grands et 400 petits, et souvent le nombre des malades dépasse 10000. On couche quatre, cinq, six et jusqu'à dix dans le même lit‘. Malades, mourants, convalescents, morts, tout est mélangé. Les salles sont étroites, basses, c’est à peine si l'air et la lumière y peuvent pénétrer.
Les convalescents sont forcés de sortir les jambes nues, été comme hiver, pour respirer l'air extérieur sur le pont Saint-Charles ; il y a pour les convalescentes une salle au troisième étage, à laquelle on ne peut parvenir qu'en traversant la salle où sont les pettes véroles. La salle des fous est contiguë à celle des malheureux qui ont souffert les plus cruelles Opérations, et ces derniers.ne peuvent espérer de repos dans le voisinage de ces insensés, dont les cris frénétiques se font entendre jour et nuit, On ne tient nul compte des maladies contagieuses; des galeux, des varioleux, sont placés dans les mêmes salles, que dis-je, dans les mêmes lits que des blessés ou des fiévreux.
. La salle des opérations où l'on trépane, où l’on taille, où l’on ampute les membres, contient également et ceux que l'on opère, et ceux qui doivent être
1. Les malades étaient entre-croisés comme le sont les poissons dans les boîtes de conserve. Dans les moments d'épidémie on plaçait les malades jusque sur les ciels de lit,