Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

54 LE JOURNAL D'UN ÉTUDIANT

opérés, et ceux qui le sont déjà. Les opérations s’y font au milieu de la salle même; on y voit ces préparatifs de supplices, on y entend les cris du supplicié ; celui qui doit l'être le lendemain a devant lui le tableau de ses souffrances futures, celui qui a passé par cette terrible épreuve voit encore, au milieu des transports de la fièvre, se dresser devant lui le spectre de ses souffrances passées. Et qu'importe, du reste! Tout blessé qui entre à l'hôpital, tout malheureux qui s'y fait opérer, n'est-il pas d'avance condamné à une mort certaine ? Personne n’en réchappe, et la plaie la plus légère, dans cette atmosphère putride, vous conduit fatalement à votre demeure dernière.

On a calculé que de tous les infortunés qui viennent chercher à l'hôpital la guérison de leurs maux, un cinquième au moins succombe. Voilà ce qu'est l’Hôtel-Dieu de Paris avant 1789 1,

Le peuple accepte avec résignation le sort auquel il est destiné et qu'il n'ignore pas: « J'irai à l'hôpital, dit le pauvre philosophiquement; mon père y est mort, j'y mourrai aussi. » ,

Ces crimes de lèse-humanité révoltaient bien des esprits : « Cruelle charité que celle de nos hôpitaux, s’écrie Mercier. Mort cent fois plus triste et plus

1. C'est pendant la Révolution et surtout après 4801 que des changements considérables furent apportés dans l’organisation de l'Hôtel-Dieu. Les aliénés furent évacués sur Charenton, la

Salpètrière et Bicêtre, et l’on créa des hôpitaux spéciaux pour les femmes en couches, les enfants malades, etc.