Journal d'un étudiant (Edmond Géraud), pendant la Révolution (1789-1793)

PENDANT LA RÉVOLUTION. 35

affreuse que celle que l'indigent recevrait sous son toit, abandonné à lui-même et à la nature! L'HôteDieu, la maison de Dieu! Et on ose l'appeler ainsi! »

Depuis qu'il était à Paris, Edmond, en assistant aux événements qui se déroulaient sous ses yeux, se passionnait pour la politique. Ses impressions sont fort curieuses et intéressantes, parce qu'elles donnent la note de l'opinion de la bourgeoisie aisée dans laquelle il avait été élevé et dans laquelle il vivait. Ses parents jouissaient d'une très jolie fortune sans laquelle ils n'auraient pu lui faire donner une éducation aussi soignée, et ils appartenaient à la classe élevée dans la ville de Bordeaux : évidemment ce n'était pas l'aristocratie, mais c'était la meilleure bourgeoisie. Leurs impressions, les impressions de leur fils sont donc l'écho très fidèle des idées de toute une classe, et d'une classe de gens paisibles, vertueux, éminemment honorables, qui n'ont rien à gagner au désordre, qui par principe, par tempérament et par intérêt, doivent être attachés à l’ordre existant et en souhaiter le maintien. Les appréciations que nous relèverons dans leurs correspondances au cours de ce récit vont donc beaucoup plus loin que de simples appréciations personnelles ; elles prennent une valeur beaucoup plus large. Elles nous montrent les modifications successives qui se sont produites dans les esprits et comment des gens de mœurs douces et pures en sont arrivés à porter sur les hommes et les événements des juge-