L'Autriche et la Hongrie de demain les différentes nationalités d'après les langues parlées : avec de nombreux tableaux statistiqes et 6 cartes ethniqes

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N'oublions pas que l’Allemand a frappé, en traits parfaitement nets, sa médaille pour l’Histoire. Sa ressemblance avec le Goth d’Alaric et le Mongol de Gengis-Khan, il l’a fixée par des profils indélébiles que n’effaceront ni quelques exceptionnels remords, ni surtout notre incoercible générosité. Louvain, Reims, Arras, Ypres, la Lusitania, les enfants massacrés et les femmes violées, l’asphyxie et le poison, les villes ouvertes bombardées, toute l'humanité mise en cause, voilà l’aboutissement de l’effort germain répercuté par la docilité sans scrupules de PAllemagne et de l’Autriche-Hongrie entières. C’est le passé, le présent et l’avenir de l’humanité et toutes ses espérances que l’on a saccagés. C’est tous ces crimes que nos plénipotentiaires devront avoir devant les yeux.

Que faut-il donc prévoir, en ce qui concerne particulièrement l’AutricheHongrie, pour que nos sacrifices, de toute nature, ne soient pas inutiles et pour qu'ils ne se reproduisent pas.

Il faut dire et répéter, tout d’abord, que nous ne devons pas nous désintéresser, comme d’aucuns y paraissent enclins, ni des Allemands d'Autriche ni des Magyars de Hongrie et les faire bénéficier d’une sorte de mépris de second ordre, sous prétexte qu’il ne s’agit point de nos voisins immédiats. Il ne faudra pas oublier, une seule minute, non seulement qu'ils sont les alliés et les serviteurs des Allemands du Nord (1), ce qui est déjà plus que suffisant pour être inilexibles et inexorables à leur égard, mais encore qu'ils ont pris unelarge part aux horreurs et aux brigandages criminels subis par nous sur notre propre sol; que la Belgique les reconnaît pour ses bourreaux et que nos amis et alliés latins et slaves sont impatients de secouer complètement et définitivement leur joug tyrannique.

De quoi demain sera-t-il donc fait?

Je n’ai pas la prétention de devancer les travaux du Congrès futur de la Paix, œuvre exclusive des puissances alliées. Ce sera une tâche laborieuse en ce qui concerne l'Allemagne, qu'il faudra couper et recouper en petits morceaux, bien Séparés, si on ne veut pas s’exposer à les voir se ressoudre, d’ici peu, de proche en proche, par simple cooptation. Mais, pour l’Autriche-Hongrie, ne constitue pas une nation, qui n’a pas d'unité ni géographique, ni anthropologique, qui n’est qu'une survivance du Moyen-Age, la chose ne présentera pas de grandes difficultés. D’une part, la langue allemande et la langue magyare sont en minorité dans toutes les nationalités qui aspirent à organiser leur vie nationale

(1) Durant une conférence faite en faveur de la Croix-Rouge, à Budapest, à la fin de janvier 1915, le comte Tisza, président du Conseil, a prononcé un discours de haute portée par lequel il a affirmé la parfaite solidarité de la politique hongroise avec l'alliance allemande :

« Cette guerre est le triomphe de la solidarité humaine qui, non seulement unit les hommes d’une même nation et de même race, mais qui étend son influence au delà des frontières ethnographiques, politiques et nationales. |

« C’est un spectacle vraiment émouvant de voir le drapeau aux trois couleurs hongroises fraterniser avec le drapeau noir et jaune autrichien au-dessus des maisons de Budapest et de Vienne. C’est la preuve que la guerre a amené une communion plus intime entre les âmes hongroises et les âmes autrichiennes. Maintenant, nous sentons tous que nous devons nous tenir étroitement liés; maintenant, quiconque est vraiment patriote autrichien doit voir quelle grande force la Hongrie représente dans la monarchie tout entière. »

Il a terminé en disant : &

« Nous assistons avec une joie sans mélange, avec un enthousiasme exempt de sentiments mesquins, aux glorieux exploits de nos alliés les Allemands. Si jamais deux peuples alliés purent avoir confiance l’un dans l’autre, &’est vraiment notre Cas. »