L'Autriche et la Hongrie de demain les différentes nationalités d'après les langues parlées : avec de nombreux tableaux statistiqes et 6 cartes ethniqes

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croate vis-à-vis du Gouvernement hongrois (1). Les Vougo-Slaves d’AutricheHongrie se complaisent donc tous à la pensée qu'ils verront, enfin, se réaliser leur reconstitution ethnique par leur réunion dans la monarchie serbe.

Cette union sera d’autant plus féconde et solide, que la Serbie agira en libératrice èt non en conquérante. Le meilleur moyen de souder ensemble les YougoSlaves pour qu’ils fassent un bloc indivisible, sera de procéder par fédération. La centralisation ne donnerait peut-être pas, pour le moment, un bon résultat. Il me semble qu’il serait d’une prudence politique bien avisée de laisser, à chacun des groupements ethniques existant à l’heure actuelle, toute sa liberté, conformément à ses aspirations locales, politiques et sociales et à son passé historique. Il serait sage également de tenir grand compte de la mentalité de chacun de ces groupes qui diffèrent sensiblement sous ce rapport. Depuis des siècles, les uns se sont inspirés de la civilisation orientale ou de la civilisation russe, les autres des civilisations allemande ou italienne. Fondre et amalgamer ces différentes aspirations intellectuelles pour en faire une civilisation propre à la race serbo-croate-slovène, c’est là un problème particulièrement délicat, qui demandera du temps, de la patience et un tact très affiné. Il m'apparaît que la meilleure solution serait une décentralisation large et généreuse qui, sans rompre l’unité nationale, laisserait à chaque groupe, pendant une génération environ, le centre administratif auquel il est attaché par des habitudes ancestrales. Les Dalmates, par exemple, continueraïent à avoir pour centre Doubrovnik, les Croates Zagreb, les Slovènes Ljoubljana, les Serbes de Slavonie et du Srem, Carlowitz, et ceux de la Batchka et du Banat, Novi-Sad.

La question des cultes aurait pu constituer une difficulté, notamment entre les catholiques romains (Slovènes et Croates) et les grecs orthodoxes (Serbes). Mais les confessions religieuses sont tellement nombreuses, la tolérance naturelle des populations est si grande en cette matière, que la diversité des cultes ne formera pas, probablement, un obstacle sérieux à l’union de tous les Slaves du Sud sous le drapeau glorieux de la Serbie.

Les caractères ethniques fondamentaux se retrouvent identiques, soit à l’ouest chez les Slovènes de la Carmiole et de la Carinthie, et chez les Dalmates, soit au centre chez les Croates et les Bosniaques, soit enfin à l’est chez les Serbes. En Dalmatie et en Istrie, les côtes sont italianisées sur quelques points très isolés; mais le sang slave domine et la même langue mère est parlée partout, sauf d’insignifiantes variantes. Les [striotes et les Dalmates sont, peutêtre, aujourd’hui, ceux des Slaves du Sud qui ont le plus conscience des destinées de leur race et de la nécessité de leur union étroite et indissoluble avec la Serbie.

Pour ceux qui connaissent la solidité et la légitimité de ces sentiments, il semblerait donc que les Serbes n’auraient pas lieu de se préoccuper. Mais la Serbie n’a pas perdu le souvenir des Conférences de Londres, en 1913, où ses nécessités maritimes les plus impérieuses furent sacrifiées à l’accord européen. La nouvelle des visées italiennes sur l’Istrie et la côte dalmate, l’occupation de

- Valona et d’autres démonstrations bruyantes à Rome et ailleurs, comme celle

(4) Voir la revue : La Nation Tchèque. Paris, numéro du 127 août 1915, p. 112.