L'Autriche et la Hongrie de demain les différentes nationalités d'après les langues parlées : avec de nombreux tableaux statistiqes et 6 cartes ethniqes

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lation. Les Ruthènes ont complètement disparu; mais, à leur place, on rencontre de très gros noyaux de populations serbes sur les rives danubiennes du comitat de Torontal et dans les villes municipales de Verseez et de Pancsova. On remarque que, dans les villes municipales qui constituent des unités administratives spéciales, le hongrois est la langue dominante. Il ne faut pas s’en étonner, étant donné, d’une part, que, dans tous les pays, les agglomérations urbaines sont, souvent, le rendez-vous des évadés de toutes les nationalités: d'autre part, les nécessités de la vie commerciale ou industrielle, jointes à la tyrannie hongroise, font qu’il est presque impossible d’y parler d’autre langue que le magyar. Mais cela ne nuit en rien à l’unité ethnique de la masse de la population, qui s’exaspère et résiste, comme chacun sait, à toutes les persécu-

tions.

Les chiffres du dénombrement ont fait la preuve que 55 % de la population globale de la Transylvanie est roumaine et que, dans certaines circonseriptions, elle en constitue la presque totalité. Les Magyars (35 %) et les Allemands (9 %) ne forment que des minorités qui abusent du pouvoir qu’ils détiennent pour faire sentir durement leur autorité aux autochtones roumains. En effet, la Hongrie, malheureusement pour sa gloire, a renié son passé. Méconnais-

sant la grande mission que sa richesse et sa haute culture lui réservaient sur

le Danube, elle fait peser, depuis cinquante ans, sur les Roumains, les Ruthènes, les Slovaques et les Serbes un joug aussi odieux que celui de l’Allemagne sur les Danois, les Polonais et les Alsaciens-Lorrains, et l’Autriche sur les Tchèques.

Le magyar se développe incontestablement plus que les autres langues. Mais, cette progression n’est pas en rapport avec les efforts considérables et les pressions absolument tyranniques faites par l’Administration hongroise pour dénationaliser les populations d’autres races que la sienne.

Comme l’a dit excellemment M. Jacques Flach (1) : « Les Magyars font pis que dénationaliser les Transylvains, ils les extirpent en fermant leurs marchés et en les supplantant sur Jeurs terres. Loïs douanières et lois agraires s’abattent sur eux. Le paysan roumain a été ruiné au profit, soit des colons magyars, soit de toute une nuée de juifs allemands dont près de 500.000 se sont magyarisés eux-mêmes. Et, devenus de fougueux patriotes, ils écrasent, sans pitié, la population roumaine. Une vaste entreprise de colonisation a été faite par le Gouvernement hongrois, dont le résultat a été l’émigration des paysans roumains ou leur déchéance matérielle. » Ces persécutions odieuses ont donc, dans la pensée des Magyars, un double avantage. D’une part, acculer les Transylvains à l’émigration en leur rendant la vie insoutenable; d’autre part, faire passer

‘plus facilement leurs terres en leurs mains.

M. Lacour-Gayet, dans une intéressante communication faite le 26 septembre 1914 à l'Académie des Sciences morales, a montré tout ce que le Gouvernement de Budapest a fait, au point de vue scolaire, pour magyariser les populations slovaques et roumaines notamment. Tandis qu’une loi de 1868 permettait à chaque nationalité d’avoir ses écoles particulières, le Gouvernement hongrois a promulgué, en 1891, une loi qui est le contrepied de la précédente. Cette

(1) Communication faite à l’Académie des Sciences morales le 3 octobre 1914.