La France sous le Consulat
256 LA FRANCE SOUS LE CONSULAT
IV. Les documents réunis par M. Rocquain dans l’£tat de la France au 18 brumaire, présentent un tableau lamentable du délabrement des ouvrages publics au commencement du Consulat. En premier lieu viennent les routes. D'après le rapport de Fourcroy, celles de Tours à Poitiers, à Niort et à La Rochelle, et de La Rochelle à Nantes, offrent l'aspect d’une totale dégradation. Celles du département du Nord, excepté celle de Lille à Dunkerque, « ressemblent à des terres labourées ». Il en est de même dans le Pas-de-Calais, la Drôme, l'Isère, les Hautes-Alpes. En Bretagne, le service des voitures publiques est entièrement interrompu sur plusieurs points. Les routes, construites en pierre calcaire fragile et délayable dans l’eau, n'ont plus d’encaissement : leur surface est couverte de boue liquide, creusée d’ornières profondes et inégales ; des trous profonds et larges de plusieurs mètres, remplis de terre visqueuse, engloutissent les voitures. Pour les tirer de là, on creuse le sol en avant de ces fondrières, puis avec un nombre double de chevaux et plusieurs paires de bœufs, on ramène les voitures sur la chaussée. Sur les routes construites avec du grès, du silex, du quartz, du granit, pour garantir les charrettes contre les ressauts on à garni leurs jantes de gros clous de fer à tête taillée à facettes, s’engrenant dans les inégalités du sol. De plus, les ponts sont rompus, les garde-fous renversés. Fourcroy eut six fois sa voiture brisée de Tours à Poitiers et à La Rochelle, et de La Rochelle à Nantes : il fallut onze fois la désembourber avec des bœufs. Les rouliers ne marchent que par caravanes de sept à huit,ayant chacun de six à huit fort chevaux à Leurs voitures ; ils ne font guère.plus de trois ou quatre lieues entre deux soleils, car ils ne peuvent voyager de nuit. Les chemins vicinaux sont aussi fort endommagés. Fourcroy estime à 60 millions la somme qu'exigerait la réfection des routes nationales. Pour le seul département du Var il faudrait 3.500.000 francs.