"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (са посветом аутора)

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CHAPITRE 11.

sujet nous est présenté. Pour le style, un mot suffira. Il n’y a pas riens les poésies slaves une seule de ces expressions grossières et basses qui déshonorent si souvent les ballades des peuples germaniques. Il ne faut pas sans doute demander à la poésie populaire ce que l'on appelle la noblesse de style. Ceux des lecteurs qui, peu faits à ce genre populaire, seraient choqués par des expressions familières répandues en toute innocence au milieu des admirables descriptions, feront mieux de laisser de côté les chansons slaves : leur bon goût serait souvent mis à de pénibles épreuves. Les tableaux sont toujours pleins de fraîcheur, de vérité et de vie, mais c’est par des moyens d’une simplicité absolue que le chanteur produit le plus souvent une puissante impression de grandeur et une profonde émotion tragique ; ne cherchez pas chez eux, par exemple, la majesté guindée et l’élégance raffinée des auteurs dramatiques français >. Cette distinction des genres dont parle M lle von Jakob, en ballades héroïques et ballades lyriques, ne se retrouve pas chez Mérimée; et, bien qu'il se rencontre dans la Gusla un troisième genre, qui n’appartient pas, celui-là, à la poésie populaire serbo-croate : la scène dramatique, on peut dire cependant que presque toutes les ballades contenues dans le recueil de Mérimée appartiennent au groupe de celles que le recueil de Karadjitch renferme en plus grand nombre, c’est-à-dire au groupe des piesmas héroïques. C’est donc ce genre qui nous intéresse particulièrement et il convient d’en dire quelques mots de plus. Tous les pies?nas héroïques sont rédigés, on l’a déjà dit, en décasyllabes. Ce vers, d’une régularité invariable de mesure, est composé de cinq trochées, divisé par une césure après le deuxième trochée ou quatrième pied : Bôjài mïlï | tchôudâ vêlïkôgà! (Dieu clément, la grande merveille 1) La rime et l’enjambement étaient complètement inconnus des chanteurs serbes, mais d’autres artifices

1 Talvj, Historical View, pp. 368-378. Nous suivons la traduction de M. Denis.