"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (са посветом аутора)

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CHAPITRE PREMIER.

Il est parfaitement vrai que M mo de Staël connaissait la Triste ballade de la noble épouse d’Asan-Aga, qu'elle avait lue dans la traduction de Goethe, et cela avant la publication de Corinne. « Je suis ravie de la Femme morlaque », écrivait-elle, en 1804., à l’illustre poète, dans un de ses billets conservés à Weimar, et publiés depuis par M. F. Th. Bratranek 1 . Elle en était ravie, mais elle ne savait pas que la Femme morlaque fût une production des sauvages « qui ont de l’imagination et point de vanité sociale ». Elle pensait que cette pièce était une poésie originale de Goethe, car, six ans après, en 1810, elle écrivait au chapitre xin de la deuxième partie de son livre De l’Allemagne : « Il [Goethe] devient quand il veut, un Grec [elle faisait allusion à la « Fiancée de Corinthe »], un Indien [« Dieu et la Bayadère »], un Mor laque*. » Il est hors de doute qu’elle pensait à la Triste ballade serbo-croate. Il est moins probable que M rae de Staël ait remarqué les poèmes « morlaques » dans les Volkslieder deïïerder, car, comme nous l’avons dit, et comme nous le mettrons plus tard en lumière, elle n’admirait pas beaucoup ce genre de poèmes et le recueil de Herder tout particulièrement 3. Mais ce qui est certain, c’est que M me de Staël avait lu les Morlaques de la comtesse de Rosenberg, et qu’elle jugeait les Dalmales d’après le tableau qu’en donne cet auteur.Elle ne suspectait pas l’authenticité des ballades populaires qui s’y trouvent et qui « ressemblent un peu à celles d’Ossian, bien que les Morlaques soient habitants du Midi ». Toutes les allusions qu’elle fait à la Morla-

1 Goethe-Jahrbuch, 1884, p. 118. 2 Ve l'Allemagne, éd. Garnier, p. 175. 3 Idem, partie 2% ch. xxx.