La question de l'Adriatique
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l'avenir une liberté dont il était impossible de ne pas pressentir, dès ce moment, tout le danger.
En fait, l'Italie n'avait adouci sa politique à l’égard de la Grèce que sous la pression des circonstances. Elle était restée défiante, sourdement hostile, attentive à profiter de tous les moyens que les fautes de son interlocutrice mettraient à sa portée, pour revenir à son attitude antérieure. En 1913, la presse italienne avait mené, sous l'inspiration évidente de la Consulta, une campagne ardente contre l'annexion à la Grèce du nord de la rive continentale du canal de Corfou; en même temps, l'ambassadeur d'Italie à Londres, le marquis Imperiali, avait exigé avec force, au nom des intérêts stratégiques les plus graves, que la frontière grecque s’arrêtât au cap Stylos, laissant ainsi à l'Albanie un des deux promontoires de l'étranglement septentrional du canal. Fallacieuse ou sincère, la thèse soutenue par le gouvernement italien devant la Conférence de Londres, et acceptée par l’Europe, était trop favorable à l'Italie pour que les diplomates romains ne cherchassent pas un jour à la faire revivre. Et voilà que la Grèce imprudente venait leur apporter l'occasion attendue et placer dans leurs mains les armes qui leur manquaient.