La question du sel pendant la Révolution

rer

« Le sel marin n’est proprement qu’une crême qui se forme sur l’eau de la mer par l’évaporation qu’en fait la chaleur du soleil {.

« Pour faire le sel on conserve l’eau de la mer quelque temps dans de grands réservoirs creusés de niveau dans des terres grasses qui ne sont ni sablonneuses, ni spongieuses ; et, après lui avoir fait faire plusieurs détours par le moyens de digues et rigoles, on la fait entrer ainsi évaporée, à la hauteur de trois à quatre doigts, dans les aires qui ont ordinairement 15 ou 20 pieds en carré, et où elle se cristallise à l’aide du soleil ou du vent.

« Cette crême qui est rougeâtre, venant à s’épaissir par l’évaporation de l’eau tombe au fond, d’où le saunier la retire avec un râteau, amenant avec le moins de terre qu’il peut (sic), pour faire le sel plus blanc. Le terroir contribue beaucoup à la blancheur du sel, car la terre rouge le fait brun et la bleue le fait blanc.

« On saune ordinairement en juin, juillet et août, et alors si le marais est échauffé par un soleil ardent et par un vent du Nord ou Nord-Est — on saune nuit et jour et on retire à chaque fois plus de 50 livres de sel par jour de chaque aire. Mais s’il pleut beaucoup, les marais sont débauchés par cette eau douce qu’il faut laisser évaporer et que l’on fait sortir par le coï?.

« On conserve le sel, amoncelé sur les levées, par une couche de terre grasse qui sert de couverture, et on préserve de la gelée les cloisons du marais en les couvrant l'hiver de deux ou trois pieds d’eau. » |

Cette manière de faire semble avoir été celle des marais salants de l'Atlantique. « Dans les salines de la Méditerranée, dit Menuret de Chambaud*, au lieu de ramasser tout simplement le sel que l’eau de la mer évaporée dépose, l'expérience ayant prouvé qu’il était âcre et insalubre, on mélange cette eau pendant le mois de mars, d'avril et de mai avec de l’eau douce, on la promène dans des étangs appelés échaufoirs et ne l’int'oduit, par le secours de pompes, dans les aires où elle doit être évaporée, que lorsque les

1 L'eau de la mer contient du 3 à 7 /, de chlorure de sodium. D’après Menuret de Chambaud, les eaux exploitées n’en contenaient que 40, au maximum.

? coï — conduit en bois pour le nettoyage des marais salants.

* MENURET DE CHAMBAUD, médecin des écuries du Roi. Observations sur le débit du sel, après la suppression de la gabelle, relatives à la santé et à l'intérêt des citoyens. S. 1. s. d. (Paris, 1791), p. 7. (Archives nat. G 1,91.)