La Révolution française (1789-1815)
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sur des charrettes à travers toute la France transie de peur; ces représentants, déportés sur les plages de Cayenne, où un grand nombre devait mourir et illustrer de leur agonie les solitudes de Sinamary ; les soldats maitres des conseils, les journalistes exilés, la presse muette, le peuple indifférent ou terrifié ; l'épée à la place de la loi; voilà cette journée de fructidor, qui ouvre la porte toute grande au 18 Brumaire et à l'Empire. On ne vit plus, on n'admira plus que le sabre. À ce point de vué, cette journée, qui ne répandit point de sang, fut la plus funeste à la liberté (1). »
Ainsi, les corps politiques nommés pour constituer le gouvernement de la République conspirent son renversement sous la direction d’un scélérat, d'un traître à la patrie ; ils violent en cela la Constitution qu'ils doivent appliquer ; l'ensemble du mouvement humain, la force des choses condamnent absolument la monarchie et lui substituent spontanément la République, comme étant la seule organisation compatible avec l'ordre et le progrès des sociétés modernes, avec leur existence ; l'histoire et la raison proclament qüe la République est au-dessus du suffrage restreint et universel, qui ne peut émaner que d'elle-même, et que le Directoire, issu, lui aussi, de la volonté populaire, a un droit égal à celui de l'Assemblée : n'importe, la doctrine démocratique et ses docteurs les plus compétents, les plus illustres, déclarent qu'il faut laisser faire les majorités factieuses et criminelles, et, dût périr la patrie, dût le gouvernement, qui assurait d'ailleurs ainsi les élections républicaines de l'An VIT, manquer à tous ses devoirs de conservateur de la Constitution jurée, qu'il faut respecter dans tous ses
1. La Révolution, tome II, pages 327-328.