La Révolution française (1789-1815)
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« D'après les explications précédentes, personne assurément ne saurait croire que je prétende ici blâmer l'avènement d'une dictature non moins indispensable qu'inévitable : mais je voudrais flétrir, avec toute l'énergie philosophique dont je suis susceptible, l'usage profondément pernicieux qu'en fit un chef alors naturellement investi d’une puissance matérielle et d’une confiance
- morale qu'aucun autre législateur moderne n’a pu réunir au même degré. L'état général de l'esprit humain ne permettait point, sans doute, à son immense autocratie de diriger immédiatement la réorganisation finale de l'élite de l'Humanité (l'Occident de l'Europe), faute d’une indispensable élaboration philosophique encore inaccomplie (4); mais son action rationnelle aurait pu y appliquer convenablement les hautes intelligences, et y disposer simultanément la masse des populations, au lieu d'écarter les unes et de détourner les autres, par une activité radicalement perturbatrice, de tous les grands efforts sociaux que la dictature purement révolutionnaire avait déjà glorieusement ébauchés, autant que l'avait comporté l'inévitable prépondérance d'une métaphysique essentiellement négative (2).
« Si le prétendu génie politique de Bonaparte avait été vraiment éminent, ce chef ne se serait point abandonné à son aversion trop exclusive envers la grande crise républicaine, où il ne savait voir, à la suite des plus vulgaires déclamateurs rétrogrades, que la facile démonstration de l'impuissance organique propre à la seule philosophie qui avait pu y présider : iln'y aurait pas entiérement méconnu d'énergiques tendances vers une régénération fonda-
1. La Philosophie positive, ou l'explication scientifique du monde, de l’homme et de la société, — R.
2. La théorie révolutionnaire (le Contrat social), — R,