La Révolution française et ses détracteurs d'aujourd'hui

36 LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

admettrait-il qu'il peut y avoir eu, dans la vie d'un peuple, un moment où ce peuple, saisi tout entier ou presque tout entier d’un même vertige, se serait, pour ainsi parler, déraciné de lui-même, et précipité aux abîmes sur la foi de quelques songe-creux, abstracteurs de quintessences politiques, alchimistes de soi-disant vérités sociales absolues, éternelles ?

Je ne veux pas nier, entendons-nous bien, l’influence d'un Montesquieu, d’un Voltaire, d'un Rousseau, sur la bourgeoisie du dix-huitième siècle; elle fut profonde; mais, outre que ces penseurs ne pensaient point de même surtoutes choses, et furent, plutôt, assez loin de penser de même sur bien des choses, — Rousseau n’est-il pas souvent et ne voulut-il pas être l’anti- Voltaire ? — on leur attribue généralement (à gauche comme à droite) une part excessive dans la naissance et le développement de la Révolution.

Cette Révolution, ce n’est pas seulement l'Æsprit des lois, l'Encyclopédie et Voltaire et Rousseau qui la préparent; surtout, ce ne sont pas ces hommes et ces ouvrages qui la rendirent inévitable et la firent éclater. Ses véritables et nombreuses causes directes sont assez faciles à découvrir; il suffit, pour les exposer, d’une bonne description de ce qu’on appelle l’ancien régime; et quant aux causes moins prochaines ou plus lointaines, il suffit, pour les connaître, de ne pas ignorer l’histoire de France.