La Révolution française et ses détracteurs d'aujourd'hui
LA RÉVOLUTION ET LA QUESTION SOCIALE 75
maturité sociale » ou encore « à la conscience de classe », vous ne pouvez plus expliquer ni comprendre la Révolution; car la misère du paysan ni le déficit du budget n’eussent suffi pour la déterminer et la rendre invincible. Des réformes financières et administratives auraient pu remédier à ces maux, ou du moins rétablir l'équilibre budgétaire et assez adoucir la condition du paysan pour que celui-ci ne se révoltât point. Mais la bourgeoisie était mûre économiquement — intellectuellement aussi — pour de nouvelles destinées : elle les voulait ; et si les penseurs du dix-huitième siècle, économistes ou philosophes proprement dits, eurent sur elle une influence que je n’ai pas niée, qu'il serait puéril de nier, dont j'ai même déclaré qu’elle fut profonde, c’est qu'ils exprimèrent ses idées et ses vœux (chacun à sa manière) et, par conséquent, les mürirent encore davantage par la précision ou l'éclat de ces traductions diverses et des polémiques.
M. Jaurès a raison. Si Taine « juge que les thèses des philosophes sont abstraites, que la pensée classique est vide, c’est qu'il ne voit pas les solides intérêts de la bourgeoisie grandissante, qui sont le fondement et la substance des théories des penseurs (1) ».
Oui, les philosophes furent les interprètes de la pensée bourgeoise beaucoup plus que ses inspirateurs. Ils l’ont certainement développée, fortifiée,
(1) Za Constituante, p.38.