La Serbie
Dimanche, 2 eDécmbre 1917 - No 48
mo ti. RS EP DGSE CT 20 | LA SERBIE
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bitrage, ajoutant que la diplomatie austrohongroise devrait, en ce cas là, exploiter les divergences existant parmi les Alliés! (voir la « Neue Freie Presse » du 4 octobre 1917). Et que dire de la demande d’annexion de la Serbie, exprimée par le comte Carolyi au Parlement de Budapest, le 14 septembre 1917 ? (Voir « La Serbie » du 94 septembre 1916) où bien de son attitude | étrange après la chute de Tisza, attitude antidémocratique et réactionnaire ? Le dernier voyage du comte Czernin à Budapest, etles longues entrevues qu’il a eues avec le comte Carolyi avant son départ pour la Suisse, ne sont non plus de nature à augmenter son prestige. M. Carolyi veut parler de la paix, mais cette paix qu'il est venu offrir, n’est au fond que l'édition austromagyare de la paix allemande. k Le professeur Oscar Jaszi est un amateur en matière politique, et ses convictions portent la trace de ses théories sociologiques. Aux peuples opprimés de la Hongrie, le professeur Jaszi dit: La liberté nationale ne vaut pas grand’chose. L'essentiel, c’est de vivre dans une démocratie politique et _ sociale. C’est pourquoi, au lieu de com-
battre l’idée de l'Etat magyar, acceptez-le, restez sujets hongrois et cherchez à abolir l'oligarchie des grands seigneurs magyars. Avant la guerre, le professeur Jaszi pouvait être sympathique. Les grandes idées qui ont apparu au cours de la guerre, transformant toutes nos conceptions, n’ont pourtant pas même effleuré le sociologue magyar, ce qui est très regrettable. Jaszi n’a pas compris l'importance de la lutte actuelle et il est resté en somme ce qu’il était auparavant: un Magyar soucieux du sort de la Hongrie millénaire. Toute son idéologie consiste dans le désir ardent de conserver l'intégrité territoriale de son pays! Le voyage en Serbie occupée et les correspondances publiées dans le « Pester Lloyd » — quelle chute! ont sensiblement diminué son autorité. Son Son récent article paru dans le « Vilag » du 16 septembre, sur un escamotage de la question yougoslave par le rattachement de tous les pays yougoslaves à la Hongrie, a fini par ouvrir les yeux mêmes à ceux qui croyaient dans ce seul et dernier démocrate magyar.
Tels sont les émissaires que l’AutricheHongrie a envoyés en Suisse pour prêcher
la paix! EM.
L'alliance germano-magyare
« Celui qui a bien étudié l’histoire magyare — dit le journal magyar « Budapesti
Hirlap » — sait qu’il n’y a au monde pour |
les Magyars qu’une seule alliance naturelle, Jalliance avec le peuple allemand. »
Je
LA Il est manifeste — continue ce même “journal — qu'en cas de défaite de l'empire _ allemand, le char de l’histoire passera sur :notre corps. Il est également manifeste que dans l’alliance avec l’Allemagne, nous sommes la partie la plus faible et que nous en
» tirons le plus grand profit. »
. Telles sont les thèses que pose ce jour” na! et il faut convenir qu'elles sont justes. … L'intérêt, l'existence et le souci de l'avenir prescrivent à l’oligarchie magyare de se ranger du côté de l'Allemagne, car l’Allemagne seule, par sa constitution, sa menta-
lité et ses idéaux politiques, peut être le.
véritable soutien et le défenseur d’une iniquité telle que la Hongrie.
— Les Magyars' sont enveffet affectés de graves soucis. Leur situation à l’intérieur de la Hongrie donne à réfléchir et constitue pour l'avenir un danger toujours aigu. Pour pouvoir continuer à dominer sur dix millions d’âmes de race étrangère, les Magyars ont besoin d’une poigne de fer qui suppose une sûreté extérieure absolue. Seuls, ils sont incapables de tenir en bride les peuples qui, devenant conscients de leur nationalité, font preuve d'une activité toujours croissante en vue de leur délivrance totale.
Les Magyars n’ont pas le choix: ils sont obligés de défendre le dualisme monarchique, qui leur permet d'entrer à titre d’alliés, ayant des droits égaux, dans l'alliance avec l'Allemagne. Cette nécessité politique de marcher avec l’Allemagne est clairement préconisée par un écrivain magyar, proiesseur à l’Université de Budapest, Jacob Bleyer, qui, dans la revue «Magyar Figyelo»,
indique en ces termes la politique magyare à suivre:
« Notre existence nationale et étatique — excepté notre propre force —'a deux conditions fondamentales : la Monarchie et l'alliance allemande. C’est une vérité tellement implacable qu’il est inutile de protester contre elle. C’est notre sort, notre destinée. Nous pouvons nous précipiter tête baissée contre le mur et périr, mais nous ne pouvons pas changer les faits. C’est notre héritage, notre pauvreté originelle auxquels nous sommes incapables de nous soustraire. C’est l’idée fondamentale de nos deux hommes d'Etat, Déak et Andrassy. Au point de vue de l’existence de notre nation, c'est une idée élémentaire profonde, et qui, dans sa grandeur, n’est pas moindre que n'importe quelle conception mondiale de Bismark.
« L'empire allemand — dans lalliance avec l’Autriche-Hongrie — brave, dans le “rvyrai sens du mot, le monde entier. Il est
vainqueur aujourd'hui, quand nous ne pou-
vons pas encore ‘prévoir les événements qui adviendront et restera debout — d’après les expériences et les preuves de la première guerre mondiale — pour l’éternité.
Naturellement, en supposant que les trois
Etats et leur alliance existeront dans leur
organisation actuelle. Cette organisation,
d’après les événements politiques, ne peut être menacée que par la monarchie austrohongroise, En Autriche, si en face de la dynastie et des Allemands, les Slaves avaient : la suprématié et en Hongrie si le courant contraire aux idées d’Andrassy et de Déak prenait le dessus. En cas de réalisation de n'importe laquelle de ces possibilités, la monarchie se décomposera. La Hongrie se séparera et l'Autriche sera démembrée, Que fera alors l'Allemagne? Seule, même si elle | annexe les provinces allemandes de l’Au-
triche, elle ne pourrait exister et nous Magyars ne pourrions pas suppléer à la monarchie. L'Allemagne devrait donc chercher l'alliance d’une autre puissance. En France et en Angleterre elle ne pourrait pas trouver d'appui, ce que d’ailleurs elle ne chercherait pas. Elle se tournerait donc vers l'Orient, vers la Russie. Cependant nous ne pourrions jamais être avec la Russie, car elle demeurera panslaviste malgré la révolution. Le panslavisme existera tant qu'il y aura des Slaves au monde. Les Magyars, vu la constitution géographique et l’agglomération des races de leur pays, et les Slaves sont comme l’eau et le feu : antagonistes élémentaires, ennemis éternels.
« Le sort de notre pays, de notre existence nationale sont liés à la Monarchie, comme grande puissance. Au point de vue de la politique mondiale ici réside notre force et notre valeur. C’est dans la Monarchie et avec la Monarchie que nous pourrons rester les égaux de nos alliés et c’est en elle et avec elle que nous pourrons défendre victorieusement notre existence contre nos ennemis. Nous devons appuyer, la dynastie et les Allemands d'Autriche parce que nous en avons besoin autant que les Autrichiens. Pourtant nous n’én avons pas tant besoin à cause de la Monarchie qu’à cause de l'alliance allemande. Non pour être des vassaux de l’Empire allemand, mais pour défendre ses intérêts comme il défendra nos intérêts vitaux. Sans la Monarchie, l’avenir des Germains est incertain et l'avenir des Magyars équivaut à la ruine et à la mort. »
L'inexorable prescription des faits guide donc la Hongrie dans la voie de PAllemagne. Il est en effet naïf de penser qu’un revirement sincère soit possible en Hongrie, où la domination de la rate magyare est la suprême raison de l'Etat magyar. Tant que cette domination existera, la Hongrie sera la fidèle alliée de l’Allemagne. Et si une fois les peuples opprimés de la Hongrie sont délivrés, c’est aussi l’Allemagne qui en ressentira l’éffet are,
Les Magyars contre le principe des nationalités
Le « Budapesti Hirlap » du 20 novembre publie un article caractéristique sur le droit des Magyars d’opprimer les peuples non magyars. C’est à titre de curiosité que nous le reproduisons ici.
« L'histoire de notre patrie nous ordonne d’agir. Dans les moments difficiles que nous traversons, ont surgi des idées dont nous ne devons pas souffrir la réalisation et contre lesquelles nous devons entreprendre une lutte acharnée. Grâce à notre Dieu de la guerre qui a donné à nos armes la victoire, nous pouvons maintenant nous attaquer à l’hyène domestique et lui limer les dents. Des peuples à peine arrivés jusqu’à la porte de l’antichambre de l’histoire, veulent morceler notre Etat millénaire. Les conséquences des lois géographiques sont des faits historiques qu'aucune idéologie ne peut entraver dans leur développement. La condition essentielle qui doit assurer la force et la vie économique de notre pays est qu'aucun remaniement de la frontière ne doit être toléré. La formule de l’'Entente : «paix sans conquêtes » n’exclut pas l’incor-
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poration des territoires en connexion avec une même nation. C’est une nouvelle illusion. Le principe des nationalités n'offre aucune stabilité. Les raisons géographiques seules régissent le développement normal et paisible d’un Etat.
La ligne du Danube est très importante. Elle se termine par la mer Noire qui est fermée. Nous devons sans contredit nous assurer cette ligne et particulièrement: le Bas-Danube près de son embouchure. D’autre part, nous devons assurer à notre pays plusieurs portes et plusieurs fenêtres sur le vaste monde. C’est pourquoi nous avons besoin de Rieka (Fiume), de la Dalmatie, et en général de la mer Adriatique. Le Carso ne peut pas constituer une barrière, lorsqu'il s’agit pour nous, d'assurer notre accès à la mer. Là, il n’y a pas lieu de marchander. Les principes fondamentaux des, nationalités, ces principes triviaux de l’Entente doivent être jetés au fumier. Toutes les institutions étatiques et autres qui ne seraient pas ies conséquences naturelles des facteurs géographiques, doivent S’écrouler. La frontière naturelle de lempire magyar ne peut être que la mer.
Les politiciens à têtes chauves et vides qui sèment l’idée d’un nouvel Etat, entre la Drave et la Save, s’efforcent de remplir le tonneau des Danaïdes.
Et les Tchèques, que veulent-ils ceux-là?
Les murailles de notre vieux Dieu de la guerre ne sont pas ébranlées par les trompettes des criailleries tchèques. Leur héroïsme ? Leur loyalisme ? Leur chevalerie ? Nous les connaissons. Les cris des oies tchèques au Parlement de Vienne ne sauveront pas le Capitole du droit d'Etat tchèque.
Que nos consuls cependant se tiennent sur leurs gardes. »
La misère des Serbes en Hongrie
Le « Hrvatski Dnevnik » du Joctobre reproduit du journal tchèque « Venkov » une information sur la situation des Serbes en Hongrie :
« Ces temps derniers, les Hongrois prêtent une grande attention à nos pays, c’est pourquoi il est bon que notre public soit renseigné sur la situation en Hongrie. Outre les Tchéco-Slovaques, en Hongrie, habitent un million et demi de Serbes et cela en quatre comitats Torontal, Baë-Bodrog, Baranja, Temeëvar au cours inférieur de la Tisza, du Danube et de la Sava, dans une région très fertile. Dans certains endroits il y a deux récoltes par an. Parmi les 140 grands joupans en Hongrie, il n’y a pas un seul Serbe. De même qu'il n'existe pas un seul sous-joupan serbe. Ce n’est que parmi les notaires et sous-notaires subordonnés qu’on trouve quelques Serbes. La magyarisation est donc poursuivie aussi bien en Slovaquie que dans les régions serbes. Pourtant la situation des Serbes est moins dure que celle des Slovaques. Les Serbes n’ont qu’une seule école supérieure, le Séminaire à Karlovci (Syrmie). Cette école a été ménagée surtout parce que les Serbes sont orthodoxes et que par là ils sont dirigés presque exclusivement vers eux-mêmes. Les Serbes n’ont qu’un seul gymnase en langue serbe, à Novi Sad (Hongrie) avec 400 élèves. Ils ont aussi une école normale
tout entier était telle, qu’il ne put s'empêcher de crier la joie que lui causait une victoire, ou le désespoir d’une défaite. Le peuple vivait mentalement son histoire et la confondait avec ses sentiments ; et c’est sous cette forme subjective qu’il la reproduisit dans ses créations épiques, dans lesquelles furent chantées les actions d'éclat des temps passés. ù
Une autre circonstance qui a favorisé le développement de la poésie serbe, était la forme patriarcale de la vie du peuple. En effet, nous retrouvons cette forme de vie encore dans la première moitié du XIXe siècle — voire jusqu'à nos jours — dans les grandes communautés, et
l'étroitesse de ces liens sociaux fait ressortir davantage la nécessité d’une plus intense activité mentale. Or, la littérature serbe ne répondait pas à ces besoins. La plus ancienne littérature serbe, aux temps de l'empire serbe, de 1159 à 1367, avait été altérée par l'influence religieuse et byzantine au point de ne plus exercer la moindre influence sur le peuple. La période moyenne, dite raguséenne, de la littérature serbe n'était pas non plus exempte de toute influence étrangère, c’està-dire italienne. Et même la littérature plus nouvelle du XIXe siècle serait restée étrangère au peuple si elle avait continué à s'exercer dans le sens que leur avaient imposé les premiers auteurs serbes des temps modernes. Car ceux-ci avaient élevé au rang de langue littéraire la langue dont se servait l'église orthodoxe serbe, c’est-à-dire la forme russifiée du vieux slave. Ce n’est que par Dositheus (1739 à 1811) et Karadjitch (1787 à 1864) que fut créée l’époque purement nationale de la poésie et la langue littéraire serbes.
Les circonstances favorables à l’éclosion de la poésie nationale serbe se sont maintenues jusqu’à nos jours, et la chanson nationale serbe se crée aujourd’hui encore, tandis que d’autres peuples ne font que perpétuer jeur poésie épique des temps passés. Le professeur P. Mikloëié dit à ce sujet: « Parmi les peuples chez lesquels la poésie
. épique est encore en honneur, il y en a — les Finlandais et les Russes, par-exemple, et sans doute aussi lés Bulgares — qui ont conservé leurs créations épiques d'autrefois, mais qui n’en produisent pas de nouvelles, Les Serbes sont actuellement le seul peuple qui, dans sa
poésie épique, prend comme sujet non seulement la mythologie, mais encore l’époque glorieuse du tzar Douchane et de la bataille de Grahovo ». Dans certaines contrées, au Montenegro, en Bosnie-Herzégovine et dans le Sud-Est de la Serbie, tout le monde est capable de réciter un certain nombre de chants épiques. Dans d’autres contrées la poésie épique a été éliminée par l'influence de la civilisation occidentale et la littérature ; mais même là elle vit encore dans la mémoire de quelque rhapsodes. e
La poésie nationale est donc, même aujourd’hui encore, un facteur important de la mentalité populaire et elle n’a pas été déformée par le développement peu naturel du nouvel Etat serbe. Cette poésie est, quant à son contenu, intimement liée à la vie nationale et économique du peuple serbe ; elle constitue le côté moral de sa vie. Ces chansons populaires se décomposent en chants érotiques et héroïques. Leur rythme est multiple ; les chants héroïques empruntent généralement la forme de trochées quintuples avec une césure après le deuxième trochée. Ces derniers — les chants héroïques — ne sont en somme que l'expression poétique de l’histoire nationale, depuis les temps mystiques de l'antiquité païenne jusqu'aux événements les plus récents. Aussi empruntent-ils leurs sujels aux épopées de tous les héros nationaux. Les hauts faits de la dynastie Nemagnitch, de Kraliévitch Marco, le fils du roi Voukachine, et les héros de Kossovo — le prince Lazare et Miloche Obilitch — y sont chantés, comme les épisodes des luttes pour l'indépendance, sous Karageorges et Miloche Obrénovitch et de l’histoire monténégrine récente. Tous les historiens qui se sont occupés de l’histoire moderne serbe ont pleinement apprécié la signification de ces chansons nationales et leur influence sur la vie politique et morale serbe. Elles ont en tout cas largement contribué à maintenir et à fortifier la conscience nationale. L'historien Ranke dit à ce propos que « la littérature nationale rappelle au peuple serbe, sous une forme vivante et toujours nouvelle, le souvenir de sa grandeur et de sa liberté perdue ». :
Quant au point de vue moral, on peut affirmer sans hésitation que les chansons nationales serbes, par leur forme et leur contenu impec-
cables, ont contribué grandement à l'éducation morale du peuple. Terminons en citant un passage de « La Serbie au XIXe siècle » de St. René Taillandier. « Si l’on se rappelle la beauté morale des poésies serbes, cet idéal de justice, cette fleur de dévouement, tous ces caractères d'une race pure et saine, on ne peut croire que le sentiment du droit ait fait défaut à cette société inculte ».
Les Slovènes et les Serbes. — «L'Edinost » des 7 et 13 octobre publie un article de polémique avec les journaux allemands qu’il intitule : « Nous sommes coupables parce que nous sommes en vie et criminels parce que nous voulons vivre.» Voici un passage de cet article significatif: « Le « Tagblatt » de Gratz reproche au Dr. Rybar d’avoir dit en 1912, que les Slovènes se sentent le même peuple que les Serbes. (47 lignes censurées) Alors, nous n’oserions pas nous sentir unis avec un peuple de même sang, de même origine et de même tendances civilisatrices, avec le peuple. qui est notre plus proche parent! dr _ Nous répétons ouvertement encore une fois la déclaration qu’on reproche au docteur Rybar. Nous rappelons que nous sommes aussi unis avec les Serbes dans le Club yougoslave et que nous demandons l’union de tous les Yougoslaves.
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