La Serbie

A RÉDACTION et ADMINISTRATION 6, rue du: XXXI Décembre.- Genève Téléphone 14.06

LS AR

Le retour des serbes

Ce serait.plutôtle moment de se taire que

de parler. :

= Ji fallait parler quand ils étaient insultés par l'odieux ultimatum austro-allemand, que d'aucuns, parmi nous, voudraient nous faire oublier pour, l'amour de, Charles [V.

Il fallait parler quand les canons de François-, Joseph — vieillard néfaste — ou de Conrad,| — maréchal trop ambitieux -— tiraient leurs premiers coups contre la citadelle de Belgrade, sonnant le glas de l'Europe, frappant au cœur. la liberté des petits peuples.

Ji fallait parler quand les armées du valeu-: reux général Potiorek pénétraient en Serbie de plusieurs côtés à la fois, pour s'y faire battre du-reste, à plate. couture, par les « éleveurs de cochons» du vieux voivod: Putnik.

I fallait parler quand les régiments serbes attaqués dans le dos, comme d'habitude, par leurs anciens alliés bulgares, reculaient pas à pas devant les canons, encore plus que devant les.soldats de; Mackensen.

Il fallait parler durant cette retraite épique, à travers les montagnes. d’Albanie, de tout un peuple en armes qui préférait l'exil à l'esclavage, l'anéantissement à la paix honteuse offerte de la main gauche.

il fallait parler quand l'auguste descendant des chefs montagnards libérateurs de la Serbie — et non pas un souverain quelconque emprunté à quelque pauvre souche germanique le roi Pierre Karageorges, horriblement cahoté

par sarude litière, s'en allait, au pas lent. de.

ses porteurs, versant*sur-sà route les larmes de

Priam et de David.

Il fallait parler quand ces débris misérables d'une des plus belles races de l'Europe arrivaient, hâves et décharnés, sur le rivage inhospitalier del'Adriatique, squelettes vivants plutôt qu'hom-

.. mes, et dont un grand .nombre.s'effondraient à la vue des vaisseaux qui devaient les recueillir et les emporter vers une terre plus clémente.

IL fallait parler quand ces barques remplies de cadavres serbes s’en allaient au large, une à une, vider leur sinistre cargaison dans le large sourire de la mer bleue.

Il fallait parler quand ce qui pouvait. être resté de Serbes en-Serbie ne cessait d'être rançonné, violenté, martyrisé, massacré — hommes, femmes, enfants — par le Magyar ou par le Bulgare, au risque de disparaitre à son tour, -— sile peuple serbe, vivace entre tous, pouvait jamais disparaître de la terre! Mais je songe qu'à cette heure encore, ces souffrances, cette

_.persécution, cette famine, continuent, et qu'à

Belgrade seulement, sous une administration -|-

autrichienne, on compte 8500 enfants serbes wtuberculeux.

Il, fallait-parler.quand le Bulgare vorace et pillard, encouragé par le Prussien, son émule, ravissait aux Serbes, pour les détruire, ou pour

. les-vendre, leurs objets d'art, leurs livres, leurs. troupeaux, leur laine, leur blé, et tout ce qu'ils pouvaient trouver,dans le fond des armoires” abandonnées, pots de.pommade ou flacons d'eau de Cologne —— et même, & profanation …n sans-exemple,. jusqu'aux. monuments des..cimetières pour y-mettre leurs propres morts |

Îl fallait parler, quand le gouvernement du tsar félon décrétait le recrutement des Serbes de Macédoine et de Serbie pour les forcer à

. combattre. contre leuxs libérateurs et leurs frères.

Il fallait parler quand les divisions bulgares

: sétouffaient.dans.Jessang Les moindresitentatives de révolte et faisaientpayer aux populations “inoffensives, parle massacre ou la- déportation en.masse, l'effroi-que leur. avait causé l'indomp- table Kosta Voïnovitch.

Il fallait parler quand, au bruit de misérables disputes diplomatiques, la Serbie, lentement, inexorablement, s'enfonçait dans l'abime, sans _la moindre lueur à l'horizon pour entretenirs à foi .et soutenir son courage — et pourtant elle restait fidèle et ne désespérait point.

- port

PAGE AT PAIE)

Prix du Numéro!

10 Centimes

. JOURNAL POLITIQUE HEBDOMADAIRE

Paraissant tous lea Lundis

_ Rédacteur en chef: Dr Lazare MAaRCOVITCH, professeur

SRE D IPN

IL fallait parler, quand dejà, à vues humaines, il ne devait plus y avoir de Serbie.

fallait parler pour, protester à la face du monde. contre une pareille iniquité, parler encore pour réchauffer, si possible, d’un mot de sympathie, ceux qui: défendaient contre les corbeaux cette grande dépouille de peuple, soit en Serbie, soit à l'étranger.

Mais aujourd'hui, c'est le silence qui s’im-

_pose à nos lèvres, tandis que l’œuvre de résur-

rection. commence à s’accomplir, tandis que

.cette poignée de ,braves qui représentent a

cette heure toute, l'armée serbe, remonte. vers le Nord, tandis que de toute part les héros morts surgissent de leurs tombeaux pour montrer aux survivants le chemin de la patrie perdue, la route de la victoire.

Quelles paroles seraient à la hauteur d’un

pareil retour, d’une aussi prompte revanche ? Où trouver les mots qui pourraient traduire non pas seulement la marche foudroyante des guerriers serbes, mais cette voix qui retentit dans leur cœur aux approches du foyer dévasté, ce murmure qui court à fleur de la

terre mutilée, et s’avance à leur rencontre,,

demi-plainte et demi-chant de joie? Tout cela est trop grand, trop profond, trop solennel pour supporter la moindre phrase étrangère, Île moindre son parti d'un pays où l’on n'a point souffert, où l’on n’a pas combattu, et où l'on a peut être douté.

Silence à nos bouches sceptiques et pusilla-

nimes.:-sur.la route de, Salonique à Monastir, We,

de- Monastir à Prilep, de Prilep à Vélès, de Vélèes à Uskub et à Nisch — en, passant par Kumanovo ! -- s’avancent, drapées, dans la bannière aux trois couleurs, ces deux sœurs immortelles : la Justice et la Liberté.

Silence. Silence. Alexis FRANÇOIS,

professeur à l'Université de Genève,

7? Q L'épine bulgare Ces mots qui proviennent, sauf erreur,

M. Gustave Hervé, expriment très justement la situation créée par l'attélement de la Bulgarie

au char germanique, Au mroment où l’on croyait que les Balkans seraient définitivement apaisés, par suite des victoires des alliés balkanique4

sur la Turquie, en 1912, la Bulgarie se délacha formellement de ses voi ins pour :e,.mektre #0r7ps el âme au service de l'Allemagne, Malgré l'échec de 1913, clle persisla dans cetle voie et ne manqua pas d'attaquer de nouveau à Serbie au moment le plus critique de toute l'histoire serbe, Le royaume serbe fut écrasé et la Bulgarie s'installa. commodément sur le.chemin que Ja Serbie voulait barrer à l'enyahisstur germanique, L'épine bulgare était trop profonde pour être retirée par un simple flirt. Il fallait agir plus «efficacement et tuer le mal dans sa souree.même,

La capitulation bulgare. termine en effet viluellement la campagne des Balkans; la guerre se trouve replacéé sur un terrain plus large, œelu: de la monarchie des Habsbou:g L'ins+ lumenf. dont les. puissances centrales .se servaient pour tenir en échec le peuple serbe.a readu aux

Germang-Magyars d'excellents servicés, mais son.

etfel me pouvait être qu'éphémère. Après lois ans de martyr, la-Scerbie peut aujourd'hui reprendre sa place dans les Balkans, prête. à accomplir. jusqu'au bout sa mission, nationale,

| L'élimination de la, Bulgarie permet on.-effel

aux Alliés de prendre à revers le front austroallemand et de continuer la guerre là où en 1915 par suite de l'enfoncement de l'épine bul-

. gare, elle fut inkerrompue.

La Bulgarie a préféré capiuler avant l'écrasement complet. L'épine bulgare n'est pas brisée, elle est seulement retirée du corps balkanique, Mais, dela me veut pas et ne doit pas dire qua le châtiment des coupables est devenu suparilu. _L'indulgence du + Corriere della Sera» et du « Secolo » pour la Bulgarie dépasse sous ce raples - limites -permises. Si l'Italie avait été l'objet des procédés -bulgares, nous comme: certaims que les -grands. organes, démocratiques 1e Milan r'éfléchiraient bien avant ce conne: l'abso lution, empressée qu'ils réclament 5i ardemment pour - la Bulgarie. -Avant de défendre un crimänel, il st de règle..d'entendre. l'acte d'aceusationn. Or, cet acta, d'accusation. n'est pas encore, pré-

senté. Moins d'engagement en, faveur de ceux”

qui ont ravagé et violé la Serbie, fuant sans 2merci la: population. serbé innocente, ne. nuntaïit nullement à la grande Apte des: organes principaux de l'opinion publique italienne, : Ri

ERREUR

de

à l'Université de Belgrade

Suisse... Gfr. — par un 4e ABONNEMENT ch Autres pays. Ofr.— »

| Le bon droit» autrichien . à le Bosnie-Herzégovine

Depuis plusieurs mois les Magyars s'efforcent

“l'annexer sous une forme plus ou moins déqui- | der, lesdeux provinces serbes, la Bôsnie et

l'Hergégovine. Voyantla poussée irrésistible des Serbo-Croates et Slocènes vers la liberté et l'indépendance, les seigneurs de Budapest

_s'éverluent à morceler encore davantage lespays serbo-croates et à empêcher ainsi l'union politique des Y'ougoslaves. Une discussion assez vive fut engagée tout récemment entre la presse magyare et celle de Vienne au sujet du bénéficiaire de ceite annexion, chaque partie de la double Monarchie ayant insisté à ce que la Bosnie Herzégovine lui soit attribuée. C’est qu'en droit, la Bosnie-Herségovine n'appartient

pour le moment ni à l'Autriche, ni àla Hongrie, la violence de 1908 n'étant pas encore sanction-

| née par les lois respectives. Sachant donc que la Bosnie-Herségovine ne fait pas partie intégrante de la Monarchie et que même la formule «ni annexions nt indemnile» ne

séduisante Saurait s'appliquer à ces deux provinces martyres qui souffrent sous le joug austro-hongrois

plus que sous celui. des Tures, l'AutricheHongrie cherche à trouver une solution quelconque, pour règler la. situation juridique des pays annexés. Ce furent les Magyars auxquels ‘on confia la mission de tenter une solution ‘purement magyare, c'est-à-dire de s'approprier tout simplement la Bosnie, Ce plan provoqua

pourtant chez les Allemands des plus vives |iprotestations, parce qu'ils n'admettent pas à

Être éxelus de l'exploitation d'un pays aussi

î

Jronnerpnennems (ue mecmmnee see oemenipene sm pere sr

La Serbie et l'unité yougoslave

fertile que la Bosnie-Herségovine. (Voir les cris d'alarme et les aveux cyniques de la « Neue _ Freie Preëse » des 24 et 25 septembre). Après Tisza qui a montré le poingaux Serbes à Sara jevo, les Autrichiens se son( empressés d'y envoyer leur Spitemüller qui a parlé d'un ton beaucoup plus doux. « Le droit d'un peuple de disposer de son sort n'est pas illimité ; il faut tenir compte aussi de ses voisins », -a' déelaré Herr Spilemiller.

Or, le ministre-président autriehien, M. Hussarek, vient de préciser lui-aussi dans son diseours, au Reichsrat, du 1er octobre, que l'Autriche n'est nullement disposée « à renoncer à son bon droit. à la Bosnie-Herségovine. Personne ne peut nous forcer à abandonner notre droit à ce,pays, et toute solution du problème bosniaque doit satisfaire aussi les intérêts autrichiens ».

M. Hussarek a évidemment raison. La Hongrie ne possède pas plus de droit que l'Autriche par rapport. aux provinces annexées. Mais où le ministre président austro-hongrots a tort, : c’est dans l’omission de préciser le caractère de ce droit «commun » austro-magyar à l'exploitation des deux provinces serbes. Le « droit» ne résulte que de la violence brutale accomplie aussi bien en 1878 qu'en 1908.-L'approcke des troupes serho-alliées de la: Bosnie ne manquera pas certes derréceiller les diplomates endormis du Ballplats et de leur rappeler.que le moment de déguerpir n'est pas aussi loin que lon s'imagine à Vienne.

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— Déclarations de M. Pachitch —

M. Pachilch, ministre-président de Serbie, a fait à la presse parisienne les déclarations suivantes :

Je suis enchanté de ma visite à Paris, où je me sens toujaurs comme si je me trouvais parmi mes compatriotes. Cette fois-ci mon séjour coïncide en outre avec les succès. des Alliés sur tous les champs de bataille. Les victoires sur le front français ainsi que sur ceux d'Orient et de Palestine offrent une assurance éclatante au monde entier que les principes de liberté et de justice. l’emporteront sur ceux de la force brutale et nous. permettent d’entrevoir, à la fin de: cette lutte-imposée au monde par

les puissances germaniques, un nouvel |

ordre international basé sur la.liberté et l'égalité des peuples et de nature à-assurer une nouvelle et. meilleure: civilisation.

Arrivés, à la conclusion de ne.pas pouvoir :

vaincre leurs adversaires sur les: champs de ‘bataille, nos ennemis commencent à nous offrir leurs suggestions de paix, sans naturellement se préocçuper de la question de responsabilité qui a embrasé le monde il y à quatre.ans, qui à tué des millions d'hommes, ruiné des monuments séculaires et dévasté des provinces entières.

Tout naturellement, nos ennemis, passent | sous silence les grands idéals pour la.

défense.desquels nos alliés ont été ‘obligés de prendre les armes et de faire.les sacrifices dont l’histoire ne connaît — et-espérons ne connaîtra — de pareils. Il ne pourra point être question de paix avant que les instigateurs de l’imfnense fléau qui sévit aujourd'hui sur presque toute: notre planète soient amenés à reconnaïtre leur responsabilité et leur culpabilité. Sans cette garantie la. guerre recommencerait à: la première occasion.

La grande Révolution française areconnu

et.assuré les-droits à la liberté et à l'égalité

de l’homme; cette: effroyable. guerre 1assu-

rera les-droits à la liberté et l'égalité des :

{nations grandes et petites.

Les résultats ne-peuvent pas ne-pas être proportionnés au sacrifice. D'accord avec l'Allemagne, J’Autriche| Hongrie a provoqué cette:horrible. guerre en vue. de subjuguer la Serbie eted’assurer ensuite les succès de la politique séculaire germanique du « Drang anch Osten » et de la domination universelle. Quoique .beaucoup. plus petite, la Serbie a-relevé le gant autrichien, résolue comme elle l'était, non seulement à défendre son indépendance, mais à libérer en même temps ses frères serbes, croates et slovènes soumis à Îla : domination austro-hongroise afin de former, unis avec eux dans un Etat libre et démocratique, une barrière solide contre la ‘poussée germanique vers l'Orient. L'existence de Ja Serbie, -attachée par tout son être aux: nations Jdibérales, son importance stratégique et la brutalité avec laquelle elle a été:traitéerontsamené à ses ‘côtés les gouvernements et l'opinion publique de grands pays de l’Europe, voire du .monde.entier. - Daris-toute la mesure du ‘possible, nos frères serbes, croates et slovènes, soumis à la tyrannie. du régime de la maison: des Habsbourg. sont. accourus vers:.nous-dès %es-premiers jours: de la guerre, ont'lutté sous nos drapeaux pour la cause sacrée de notre unité nationale, non seulement sur le front de Salonique, mais aussi en Dobroudja, en Mourmanie et partout ailleurs. Au moment où.nos grands et:généreux alliés, fidèles à leurs engagements de-reconnaître à tout peuple le droit de décider de son propre sort, ont proclamé. leurs sympathies à la libération et à la formation en Etats indépendants des Tchéco-Slovaques et.des Polonais, nous n'avons aucune raison de douter que; reconraissant la loyauté et-les sacrifices de leur alliée, la Serbie, ils. ne-lui reconnaissent le. droit et:ils ne J'aident à libérer.tous ses frères et à s'unir aveceux dansun Etat libre etindépendant. Une déclaration dans ce. sens, venant de