La Serbie

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JOURNAL

La France victorieuse

L'autre jour, les voûtes de Notre-Dame de Paris retentirent d'une façon inaccoutumée. On venait d'y’célébrer la victoire des Alliés qui apporte au monde, avec le triomphe de la Justice, la Paix dans la Liberté.

En même temps que l'orgue et les sonneries de cloches, on entendit les coups de canon annonçant la victoire. Quel plaisir d'entendre rer le canon qui ne tue personne |

Depuis les journées mémorables de Magenta et de Solferino où les succès remportés par les armées franco-piémontaises scellèrent à jamais l'unité italienne, on ne chanta plus de « Te Deum» pour les victoires françaises. Mais voilà que soixante ans après, Paris vient de revivre des jours glorieux, rappelant les plus beaux moments du passé. C'est d'une gloire nouvelle et qui ne se ternira jamais que l’armée et le peuple français viennent de se couvrir. Le sort a voulu que cette fois encore les victoires françaises apportent aussi aux autres peuples la liberté et l'unité.

Avec le retour de l'Alsace-Lorraine à la mère-patrie, le peuple français a consommé son unité. Mais la France a fait plus que son propre bonheur. C'est à elle que la plupart

_ des peuples du Continent doivent en premier lieu leur liberté, leur indépendance et leur unité nationale. Elle appela à la vie la Bohème et la Pologne. L'Italie, la Serbie, la Roumanie et la Grèce lui doivent d’avoir parachevé leur unité. La Hongrie et l'Allemagne elles-mêmes

ne seront libres que grâce à l'effort accompli par |

le peuple français qui fut toujours le champion de l'idéal parmi les nations. Ce n'est pas méconnaître les efforts des autres Alliés que de rendre un juste hommage à celui, qui, parmi eux, a le plus souffert et le plus sacrifié pour le triomphe de la cause commune.

Durant cette guerre, la France exerça une influence prépondérante sur la politique des

Alliés. L'attitude digne et loyale du gouvernement français rejetant, au début de la guerre, les propositions allemandes qui tendaient à obtenir sa neutralité au mépris de l'alliance, fut décisive sur le cours des événements, Car elle démontra qu'il existe une morale internationale et que la théorie du « chiffon de papier» ne trouvait pas d'adeptes en France. Ce geste noble fut d’une portée morale considérable.

Ensuite, ce fut M. Briand qui au nom des Alliés répondit à la première offre de paix. Démasquant le jeu de l'ennemi, il déclara ouvertement les buts de guerre, parmi lesquels figuraient la reconnaissance du principe des nationalités et la libération des Slaves de l’Autriche-Hongrie. Bien poser un problème, c'est le résoudre. Cette réponse impliquait déjà virtuellement la demande du démembre-

- ment de la Monarchie dualiste. Mais c'est M. Clemenceau qui asséna le coup final à l’alliance des Centraux en publiant la lettre de V'ex-empereur Charles où celui-ci reconnaissait le bien-fondé des aspirations françaises sur l’Alsace-Lorraine.

Rappelons aussi que ce fut toujours la France qui, au sein de l'Entente, prit l'initiative lorsqu'il s'agissait des questions de notre pays. Ce fut elle qui envoya le premier transport de vivres à la population affamée et à l’armée réfugiée à Seutari. Ce fut la flotte française qui transporta notre armée à Corfou, et une fois réorganisée, l'emmena à Salonique. Ce fut encore la France qui décida l'envoi des renforts et l'expédition de l’armée d'Orient. Si l'envoi des troupes fut l’œuvre de M. Briand, la nomination de l'excellent chef qui est le général Franchet d'Espérey est l'œuve de M. Clemenceau. Si la Serbie malgré toutes les épreuves resta fidèle à la France, celle-ci ne le fut pas moins à la cause de la Serbie. Au moment le plus critique, celui de la défection russe, où la juste colère qui anima les Français contre leurs anciens alliés, fit un mo-

touchant le sort.

ment penser que cette defection allait faire tort à la cause de tous les Slaves, considérés comme les protégés de la Russie, la France n’oublia pas le dévouement et les services rendus à la cause commune par le peuple serbe et ne cessa de considérer sa cause comme la sienne.

Le Destin a voulu que M. Clemenceau

réalisât [la grande pensée de Gambetta qui rêvait « d'une action commune des peuples latins et des Slaves du Sud contre le germanisme ».

L'action militaire de la France fut encore plus décisive que son action politique. Nous n'entreprendrons pas ici d'énumérer tous les exploits de l’armée française encore présents à l'esprit de tous. Les noms de la Marne, de Verdun et d'Ypres prendront place à côté de ceux de Valmy et de Jemmappes. La gloire

militaire des soldats de la Révolution semble

dépassée par celle des héros de la troisième République. Les grandes figures de Foch et de Joffre rappellent celles de Masséna et de Hoche, comme l'image de Guynemer, héros légendaire de l'air, évoque celle du général Marceau.

Pourtant, il est une gloire aussi enviable que celle des grands capitaines: c'est celle des grands citoyens. Deux noms l'incarnent resumant tout l'effort de la troisième république : Gambetta et Clemenceau, le premier l'organisateur de la défense nationale, le second l'organisateur de la victoire.

Néé dans des circonstances tragiques, la troi-’

sième république débuta dans des conditions les plus pénibles.. Elle atteignit pourtant, grâce à l'effort de ses enfants, l'apothéose de sa

- gloire après un demi-siècle de lutte.

Le Droit sera un jour le souverain du monde, disait autrefois Mirabeau. Quelle joie d'avoir

vu arriver ce jour! M. D. Marincovitch.

Le salut de Doubrovnik au roi Pierreet au Prince Alexandre

S. M. le Roi Pierre et Son ‘Altesse Royale le Prince Hérilier Alexandre ont reçu du Conseil National de Doubrovnik (Raguse) les télégrammes suivants:

« À Sa M. Roi Pierre.

Au moment où l’armée serbe, -couronnée, ment du capitaine Milan VI. _Georgevitch, de lauriers, dépasse, Sous le commandele seuil de Doubrovnik, ville petite mais

chère

remerciant du fond de son cœur la Providence qui lui à donnée toutes ses grâces et: s’écrie: « Que Dieu sauvé, que Dieu protège le Roi Serbe et la race serbe!»

Le Président du Conseil National de Doubrovnik :

Dr Pero Tchingria. »

« À Son A. R. le Prince Héritier Alexandre.

L'heure solennelle à sonné. La glorieuse armée serbe est arrivée à Doubrovnik pour changer l'esclavage et liniquité en liberté et justice. Fiers d'une telle armée, qui a répandu à travers le monde entier la gloire du peuple serbe, nous prions Votre Âltesse Royale de daigner accepter lexpression de la profonde gratitude des citoyens du libre Doubrovnik. Vive le Commandant en chef de l'héroïque armée serbe, je Prince Héritier Alexandre!

Le Président du Conseil National de Doubrovaik: Dr Pero Tchingria. »

à Votre Majesté Royale, cette mo- | deste cité is’incline devant le grand Roï, en |

Peu POLITIQUE HEBDOM Paraissant tous les Lundis

Rédacteur en chef : Dr Lazare MARCOVITCH, professeur à l'Université de Belgrade

Genève, Lundi 2 Décembre 1918

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Une amitié et une alliance à l'enchère

Les Français doivent être bien élonnés de se vcir tant d'amis tout d'un coup et d'en compter même parmi ceux qu'on avait l'habitude à congérer comme ennemis. MR Dane Mb

Ces amis poussent après la victoire comme dés champignons après une pluie d'été. Ils sont parfois bien génants ces amis de fraîche date. A l'instar des nouveaux riches, ils ne connaissent guère de discrétion et n'ont pas peur du ridicule.

Ainsi nous lisons ces derniers jours que les Magyars, impatients de renouer les relations avec l'Entente viennent d'envoyer à la France une note dans laquelle ils la somment d'entamer immédiatement des négociations de paix et de conclure une alliance avec la Hongrie. Devenus «républicains », il leur tarde de conclure des alliances avec la République française et celle dès Etats-Unis et ils n’y vont pas par quatre chemins.

“Reste à savoir contre qui les Magyars voudraient conclure cette alliance: contre leurs alliés d'hier, devénus également républicains ou contre les nationalités qui viennent de se libérer du joug magyar? L'ultimatum magyar manque de précision, maïs ne manque pas de saveur. Bien que républicains, les Magyars n’ont pas perdu l'habitude des ultimatums. Puisse celui-ci leur profiter davantage que celui qu’ils adressèrent ily a quatre ans à la Serbie.

Nous lisons d'autre part, dans le « Matin» du 24 novembre 1918, une interview du prince

magyar Windisch-Græts, républicain convaincu, démocrate ardent, et ami sincère de la France, qui dit entre autre : « Et moi-même —

et cette affirmation n’est pas une fanfaronnade E

— j'ai toujours combattu pour la démocratie ». (11...) « C'est à l’instigation du parti mililaire allemand, en effet, représenté par Ludendorff et von Tirpitz, c’est pour leurs beaux yeux que nous avons, après la défaite de la Russie, continué la lutte contre la volonté de lanation. Nous étions dans la poche de l'Allemagne». Et ül ajoute : « Le développement des relations économiques rapprocheront, je crois, les peuples meurtris. La France, la belle France, dont nous ne sommes pas d’ailleurs, nous Magyars, très éloignés (sic) peut devenir avec sa traditionnelle et sa noble culture, le porte-drapeau de la cüvilisation. Travaillons au rapprochement des patries. La haine est mauvaise conserlière ».

Nous autres Serbes, démocrates sans privilèges et sans titres, nous avons toujours cru que la France fut en fait le porte- drapeau de la civilisation. Or, voici que le prince WindischGratz, le démocrate de l’école Berchtold-TiszaKarolyi, nous apprend maintenant que ce n’est pas encore le cas. La France «peut devenir » le porte-drapeau de la civilisation, dit-il. Si elle peut le devenir, c'est qu'elle ne l'est pas encore. Il lui faut pour cela se rapprocher de la Hongrie et conclure une alliance avec elle. Il ne tient donc qu'aux Français de sy conformer. Le royaume des Serbes, Croates et Slovènes

La déclaration de Genève, premier fruit du contact direct entre le gouvernement de Serbie et les représentants autorisés de la nation serbe, croate et slovène de l’ancienne Monarchie des Habsbourg, ne semble pas avoir satisfait les larges masses de notre peuple. L'extrème prudence avec laquelle on a abordé la question de Ja constitution de l'Etat unique de tous les Serbes, Croates et Slovènes s'expliquait, exception faite des autres causes plus ou moins compréhensibles, par le milieu où se tenait la conférence, c'est-à-dire par le manque du contact direct avec le sol natal, comme notre ami distingué M. Marincovitch l’a fort justement remarqué dans son article consacré à la déclaration de Genève. Cette déclaration avait un défaut capital, celui d'avoir proclamé l'Etat sans avoir en même temps institué son organe suprême, son chef qui en exprimerait l'unité et la souveraineté. Ge chef ne devait pas nécessairement être une personne, un monarque, mais en principe, sans lui il n'y avait pas pratiquent d'Etat organisé. Pourquoi les membres dela conférence de Genève ont manqué à ce postulat primordial, nous ne voulons pas examiner ici. Ge qui est certain c'est que, à défaut du chef d’Etat, on n'a pu non plus arriver à la constitution de son orBane responsable, du ministère sudslave: On a proclamé la constitution de l'Etat des Serbes, Croates et Sloyènes mais on n'en à pas tiré les conséquences logiques. La nomination d'une commission de six membres, trois désignés par le gouvernement de Serbie et trois par le Conseil National de Zagreb, présentait un caractère provisoire, parce que, malgré le nom de ministère donné à cette commission, elle n'était en somme que le mandataire du gouvernement de Serbie et du Conseil National de Zagreb. Son autorité et sa compétence dépendaient de la confiance de ces deux

facteurs sus-nommés qui avaient conservé la

plénitude de leurs pouvoirs.

Or, le gouvernement serbe à Belgrade et le Conseil National à Zagreb, sont tombés d'accord pour élargir et compléter l'œuvre de Genève. Tout en proclamant l'union politique des Serbes, Croates et Slovènes ils ont en même temps appelé le prince Alexandre à la régence du royaume serbo-croato-slovène. Ayant ainsi élu le chef du nouvel Etat, ils pouvaient procéder à la formation de ses organes responsables. En effet, d'après les nouvelles de Zagreb, les délégués du Conseil National, munis des mandats réguliers, viennent de se rendre à Belgrade où

_ l'on décidera de la constitution du ministère sud-

slave, Ce ministère sera nommé, par le princerégent, mais ses membres seraient désignés par un corps appelé Conseil d'Etat qui jouera le rôle

dé l'avant-pariement, jusqu'à la convocation de l'Assemblée nationale, pour tout le territoire sudslave. Cette Assemblée nationale élaborerala constitution et décidera ainsi définitivement de toutes les questions concernant l’organisation de l'Etat.

On a toutes les raisons de croire que les questions pratiques dont dépend l'unification effective de notre peuple, trouveront facilement des solutions satisfaisantes. Tous les patriotes serbes croates et slovènes doivent se rappeler que notre unité nationale rencontre encore des adversaires occultes, et que, seules, la concorde et l'union peuvent garantir à la nation la réalisation de toutes ses aspirations légitimes. Le grand ami sudslave, M. Gauvain parle dans le Journal des Débats du 27 novembre des obstacles de toute sorte, intérieurs et extérieurs qui s'élevaient «contre la réalisation de l'unité de la Yougoslavie. Tout dernièrement encore de fâcheuses influences s'étaient exercées contre l'application du programme de Corfou ». Le jour viendra où l’on connaîtra la source de ces influences. Elles ne sont pas à négliger parce qu’elles agissent dans des différents milieux. La preuve en est aussi l'incident du faux communiqué envoyé par un ancien fonctionnaire du Bureau de presse serbe à Genève aux journaux de la presse suisse et alliée, comme émanant du Bureau officiel de presse serbe et dans lequel on disait que la conférence de Genève aurait reconnu l'Etat des Serbes, Croales el Slovènes de l'ancienne monarchie dualiste. Aù lieu de l'union on aurait proclamé la séparation. Malgré le démenti immédiat du Consulat de Serbie à Genève, ce faux communiqué a été répandu même dans la grande presse, produisant la confusion et l'incertitude. L'œuvre que l'on est en train d'accomplir à Belgrade, en ce moment même, coupera court, espérons-le, à toutes ces intrigues aussi tendancieuses que malveillantes. L.M.

Le nouveau Cabinet serbe

Voici la liste des membres du nouveau Cabinet de coalition serbe :

Président du Conseil: M. Pachitch (radical) ; ministre des finances: M. Protitch (radical); ministre de l'instruction publique et des cultes : M. Davidovitch (radical indépendant) ; ministre. de l'intérieur : M. Trifkovitch(radical dissident); ministre de la justice: Djouritchitch (radical) ; ministre des travaux publics : M. Kapètanovilch (radical); ministre des communications : M Vouloviteh (radical indépendant); ministre du commerce : M Voïslav Marinkovitch (progressiste) ; ministre de l’agriculture : M. Yankovitch (radical); ministre de la guerre, le général Rachilch ; ministre des affaires étrangères, M. le D' Michel Gavrilovitch (hors les partis). (Havas)