La Serbie

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RÉDACTION et ADMINISTRATION 4, rue du XXXI Décembre - Genève h. ' Téléphone 14.05

arbitrage

JOURNAL POLITIQUE.

Paraissant tous les Lundis

Rédacteur en chef : Dr Lazare MARCOVITC

de Wilson

La délégation du royaume serbo-croateslovène vient d'entreprendre une démarche décisive en vue de la solution du problème italo-sudslave. Munie de l'autorisation du gou-

- vernement royal, elle s'est adressée au président Wilson, pour le prier de bien vouloir accepter d'être arbitre dans le différend territorial entre le royaume et l'Italie. En même temps, la délégation a écrit à Clemenceau, président de la conférence, pour lui demander de communiquer à la conférence, cette décision.

La surprise fut énorme que produisit dans tous les milieux cette initiative heureuse, qui ouvre une issue à l'impasse où se trouvaient les alliés dans la question de l'Adriatique. Les

thèses serbes et italiennes semblent en effet inconciliables, parce qu'une différence de principe les sépare. Dans de telles circonstances, l'arbitrage paraît la meilleure solution. . Aussi s'explique-t-on la joie de Wilson et son empres-

. « sement à accepter l'offre serbe. Wilson a

déclaré être conscient de la responsabilité énorme qu'il assume comme arbitre.

Le gouvernement italien n'a pas encore répondu. Dans les milieux italiens de Paris, on considère avec déplaisir la démarche serbe et on cherche à en diminuer l'importance.

En réalité, la proposition serbe est hautement importante. Elle confirme le caractère pacifique de la politique serbe qui, confiante en la justesse de ces aspirations nationales, n'hésite pas à les soumettre à l'arbitrage. Ce n'est du reste, pas la première fois que la Serbie, qui, deja &la-conférence de ia paix à la Haye,en 1905, a défendu le principe de l'arbitrage obligatoire, a recours à l'arbitrage pour éviter un conflit armé. En 1913, la Serbie accepta l'arbitrage du tzar russe dans son différend avec la Bulgarie, mais la Bulgarie refusa d'aller à Pétrograd et chercha une solution par les armes en attaquant traîtreusement son alliée de la veille. En 1914, la Serbie, dans sa réponse à l'ultimatum autrichien, se déclara prête à soumettre toute la question à un arbitrage, mais l'Autriche ne voulut rien savoir et déclara la guerre à la Serbie, provoquant ainsi l'incendie général. Aujourd'hui, en 1919, le royaume uni accepte, pour la quatrième fois,

le principe de l'arbitrage dans une question qui touche aux intérêts les plus vitaux de notre nation. Un tel acte d'abnégation, à la veille de la constitution de la ligue des nations mérite la plus vive reconnaissance de tous. C'est de bon augure pour la réalisation de l'idée devenue si chère à tous les peuples qui veulent l'élimination du danger de guerre par les moyens pacifiques.

L'idée dont s'est inspirée la délégation serbe en proposant l'arbitrage n'est nullement de nature à diminuer l'autorité de la conférence de la paix. Bien au contraire, elle signifie la

_ Consécration des principes élevés proclamés

_ Par cette conférence. Par une coïncidence sin_ &ülière, au lendemain de la lecture du projet de ligue des nations, les puissances alliées vont être en mesure de prouver au monde la valeur pratique de leurs engagements contenus dans le pacte de la ligue. La proposition de la délégation serbe fournit, en effet, à la conférence, l'occasion admirable de montrer que les chefs politiques alliés ne font pas de vaines phrases.

Sans parler des avantages ou des désavantages pour l'Italie de l'arbitrage, il est indubitable que celle-ci porterait une grave atteinte à la base même de la ligue des nations si

sympathiquement défendue par M. Or lando, dans la dernière séance plénière, si elle refu-

sait d'accepter M. Wilson comme arbitre.

Il est entendu que l'arbitrage aurait lieu à la suite d'une décision de la conférence, qui chargerait M. Wilson, avec le consentement des deux parties en cause, de trancher défi-

nitivement la question territoriale qui les divise. La conférence conserverait ainsi toute son autorité et c'est elle qui imposerait l’exécution fidèle de la sentence de l'arbitre. Loin de changer quoi que ce soit à la méthode*adoptée par la conférence, la proposition serbe la complète en laissant à l'Italie et au royaume des Serbes, Croates et Slovènes toute liberté de fournir la documentation nécessaire, renseignements, informations et enquêtes d'experts.

Le peuple serbe a fait le plus grand sacrifice que puisse faire un peuple. Sa foi dans la justice et le droit est inébranlable et c'est ce qui lui a fait adopter avec sérénité une telle solution.

EM; Paris, le 18 Février 1919.

L'Italie héritière de l'Autriche

C'est avec trislesse que nous devons constater que l'esprit de l'Autriche n’est pas mort, L'Italie démocratique et mazzinienne s'empresse de recueillir l'héritage de l'Autriche, cette Autriche: qui dans sa politique balkanique était guidée par le désir de faire des intrigues pour pouvoir ensuite profiter du gâchis créé. On sait que l’une des plus chères préoccupations da la politique

autrichienne était de rendre plus inextricable :

qu'elle ne l'était, la question albanaïse. Rien n'était plus propre à servir la politique d'intrigues autrichienne que le peuple albanais, qui vivant dans l'anarchie était en quelque sorté intresponsable. En effet, il n'y avait aucun gouvernement albanais à qui où pouvait s'en prendre en cas d'attaques contre les voisins.

Peut-être le grand public a-t-il un peu oublié,

(dans: la grande mêlée, les agissements dont l'Au- !

triche, . ce poste avancé ide l'Allemagne, p'est rendu coupable en Albanie, Pourtant son rôle pendant la guerre balkanique autour de la ville de Seutari, et, après les guerres balkaniques, dans l'irruption albanaise en Serbie, m'a pas échappé à ceux qui suivent de près l'évolution de la politique des Balkans. Les menaces continuelles, les ultimatums que l'Autriche adressait au nom de la Triplice à la Serbie furent les prodromes de la guerre. Dans cette besogne l'Autriche témoiïgnait d’une part de sa haine OPA la Serbie, en même que d'un esprit arrik

du présent. Et c'est tout. cela qui a contribué pour une large part à l'extinction de Tl'Etatmonstre qu'était l'Autriche-Hongrie.

On annonce ces jours-ci que des bandes albanaises bien armées et équipées ont fait irruption en territoire serbe aux environs de la ville de Péc (Ipek). Selon les renseignements recueillis sur place on a constaté que l'organisation ef l'équipement de ces bandes ont été parachevé par les soins de l'autorité militaire italiennel {L'habileté de mise en scène de ces bandes ne manque pas et on peut louer les dirigeanits italiens pour la perfection de leurs intrigues, car ils y surpassent même leurs anciens collègues de la re les Austro-Hongroïs. Il est vrai que cette politique d'intrigues des Ttaliens à un champ d'action plus dégagé que ne l'avait l'Autriche. Les troupes italiennes ioccupent le territoire albanais et ils peuvent y faire ca que bon leur semble sous la protection de leur armée.

IL paraît donc bien que le legs autrichien rentre à merveille dans la politique italienne, ca qui n'empêche pas les délégués italiens de coudoyer à la conférence de Paris le président Wilson et même de parler le langage d'une démocralie mielleuse.

De même que l'Albanie, le Monténégro, qui pourtant a témoigné de sa volonté d'une façon qui ne peut tromper personne, a reçu la visite des Italiens qui, à force de répandre de l'argent et des promesses, croient créer des embarras pénibles au nouveau royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Comme jadis l’Aytriche Hongrie, l'Italie voudrait, par tous les moyens, empêcher l'œuvre d'organisation de notre Etat.

T est manifeste que l'Italie nous redoute et qu'elle cherche à nous nuire partout où elle peut lo faire Ce ne sont pas seulement les territoires contestés qui nous séparent, mais certainement quelque chose de plus. Quelle que soit la façon. dont sera aplani notre différend avec elle, il est hors de doute se J'Ttalie, au moins celle qui gouverne aujourd'hui, nous regardera d'un œil hostile, ce qui n’est pas de bon augure! pour J'avenir des deux peuples voisins. 0

Et pourtant, nous aimerions tant que demain qui doit être ti sur le principe des droits des peuples, soit épuré des méthodes de l'Autriche-Hongrie qui est morte pour n'avoir pas compris la signification des idées et des exisences nouvelles. C'est grand, dommage que le peuple italien ne puisse pas compren: dans son propre intérêt, que nous avons lR droit à la vie libre 4 P:

qui ne cadraït plus avec les idées

H, professeur à l'Université de Belgrade

HEBDOMADAIRE

Suisse...... 6 fr. — par ao

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Autres pays. Ofr.— »

Les menées bulgares

Dans le numéro du 3 février de notre journal, nous avons dit, en quelques mots, ce que nous pensions des tentatives de la Bulgarie de se glisser sous le toit de notre nouvel Etat. Les Bulgares ne se laissent pas décourager par Yattitude hostile, nette et énérgique de la Serbie ét continuent à faire de voains efforts pour amener le monde à causer de leur projet. À les en croire, la France et les Etats-Unis seraient favorables à leurs désirs, de même que M. Massaryk, tandis que, disent-ils, «l'Italie a l’airde S'y opposer ». |

En réalité, il n’en est rien : personne ne prend au sérieux ces niaiseries bulgares et n'aurait d’ailleurs le temps de s’en occuper. Ce sont les Bulgares eux-mêmes qui colportent de pareilles informations ét prêtent ces opinions favorables ou défavorables, à la France, à l'Italie, etc. Le but est évident. Ils veulent donner de l’importance à leur proposition et lancer dans la cireutation cette très mauvaise marchandise balka-

nique.

Cependant, ce qu'il y a de plus sot dans tout ce manège, c'est que les Bulgares posent, ou plus exactement feignent de poser leurs conditions, comme si leur proposition était vraiment déjà à l'ordre du’jour et comme si c'était nous qui devions en tirer quelque profit et non pas

- eux et leurs maîtres germaniques.

Tout le monde sait combien les Bulgares sont

dangereux pour la paix et la sécurité de leurs

voisins. Que deviendrions-nous, si, par malheur, nous noue laissions prendre à leur piège, en les acceptant dans notre sein #

Ce sont surtout les conditions auxquelles ils

“Hisent-oouloir entrer dans notre Etat, qui les

démasquent et trahissent leurs véritables visées. Entre autres conditions, en efjet, les Bulgares « posent » celle de différentes transformations

fondamentales dans notre Etat, qui leur permet| traient de créer une situation où ils pourraient pêcher en eau trouble, c'est-à dire un état de choses ressemblant à celui qui règne dans la Russie bouleversée. Et pourquoi, en dernière analyse ? — Tôut simplement pour morceler l'unité que nous avons si chèrement payée et pour nous affaiblir au point de ne plus être er mesure d’opposer une résistance sérieuse à la poussée vers l'Orient de leurs bienfaiteurs germaniques. Voilà le orai but de cette infernale proposition bulgare, cachée sous un masque attirant et s'appuyant sur d'apparents sentiments de solidarité « slave ».

Pour nous, politique ne signifie pas men-

songe, félonie, trahison, fourberie. Ayant une tout autre conception de la chose, nous savons clairement ce que nous voulons. Notre politique suit inébranlablement un chemin net, conduisant à un but franchement indiqué et connu de chacun. C'est pourquoi nous invitons les Bulgares à ne plus nous importuner de leurs propositions à la Judas. Nous avons à causer avec eux de bien autre chose que de politique. Qu'ils se mettent d’abord en régle avec le Code pénal et ensuite, quand ils auront expié la peine qu'entraîne l'assassinat de lout un peuple, nous pourrons — el encore avec d'expresses réserves — discuter de-politique avec eux.

Toutefois, en attendant, s'ils sont tellement pressés de constituer des confédérations ow à ce point épris de l’idée, nous leur recommanderons de s'adresser à leurs frères de race, les Turcs. Peut-être consentiront-ils à former avee les Bulgares une république touranienne, là quelque part, dans leur berceau national, er Asie. L'Europe se trouverait ainsi débarrassée de deux peuples destructeurs de la civilisation.

M.T.

La question du Banat

Les Roumains font un effort suprême pour parachever leur unité en englobant le Bamat province serbe, ce qui fait aussi M. Ursu dans le +« Genevois » du 17 février. En “vrais conquérants, ils mêlent aux principes wilsoniehs, des considérations d'ordre géographique et ‘tratégique. C'est en vertu de l'unité géographique do la Grande Roumanie que les Roumains voudraient nous ravir le Banat, où ceux des Roumains qui n'entendent plus user envers l'Europe des moyens balkaniques de dénégation, ne peuvent contester la présence de 300.000 Serbes, M. Ursu, le savant professeur de l'Université de Jassy, tombe donc dans une erreur blämable, lorsqu'il se hasarde à prétendre «que les Serbes n'ont à invoquer aucune raison ni ethnique, ni historique, ni géographique. » La Cionférence de la Paix, qui s'occupe de la question, n'’aurait-elle pas repoussé nos aspirations si nous n'avions pas eu de raisons ethniques à ‘invoquer? Quant à l'histoire, — ‘exception faïte pour l'ère de l'empereur Trajan qui est, n'en déplaise à M. le professeur, plutôt romaine ue roumaine — quel rôle Les Roumains lbntils jamais joué dans le Banmat? Même les livres d'histoire roumaine ‘sont muets à ce sujet De notre: côté, pour me parler que des faits, Jes

plus récents, nous pouvons informer M. le professeur Ursu que la grande assemblée serbe

do 1791, tenue à Temichvare, a réclamé l'autonomie des territoires serbes, y compris Île Banat, co que les Magyars n'ont naturellement pas accordé, En 1848, la Voïvodie serbe, qui englobait aussi le Banat, avait Temiüchvare comme capitale, Les Habsbourg jusqu'au tout dernier frui vient de descendre du trône, ont porté le titre de Voiïvode serbe Et pourtant, l'histoire ignore absolument un rôle amalogua des Rôumaïins dans le Banat, pour la simple raisom que ceux-ci n'y figurèrent pas comme élément historique. :

Quant aux raisons géographiques, hious ne pouvons pas comprendre celles quinvoque Île savant professeur à une époque où le prinvipe d'autodisposition des peuples doit décider des frontières futures. Le Banat n'est, di reste, pas une côte maritime, ni um débouché naurel pour Ja Roumanie mais bien une provinca trés riche pour l'acquisition da laquelle il vaut assurément la peine de lutter, sa disent nos amis roumains, même sans y avoir aucun titre ethnique. :

Outre la Bessarabie que les Roumains bnt prise aux Russes, et où 5e trouvent beaucoup de Russes et d'Ukraïniens, la Bukovina échue

à la Roumanie après la mort de la double minarchie, et à des parties de laquelle aspirenf non Sans droit les Ukrainüens, ét la Dobroudija, les Roumains réclament donc le Banaf, aînsà que Ja Transylvanie, soït 26 départements con: tenant 2.900.000 Roumains et 3.900.000 étrangers, parmi lesquels 300.000 Serbes. Nous comprenons que les Roumains aïent le droit d'englober des masses die Magyars et d'Allemands, parce que ces peuples habilent des enclaves impossible à détacher; ensuïte, parce que ce sont des peuples de proie, dont la menace resteraif suspendue su la tête des Alliés el du monde tout entier. Mais nous ne comprenons pas pourquoi nous, Serbes, nous devrions partager le sort des Magyars et des Allemands. Avons-nous failli à nos engagements envers les Aïlliés, avonsnous courbé l'échine devant la force supérieure de l'ennemi et conglu une paix séparée? Avonsnous jamais él6 membres d'une allianca austro-allemande? S'est-il trouvé en Serbie écrasée un seul homme politique pour fransider avec l'ennemi? L'ennemi ‘ail pu faire élire en Serbie ensanglantée tout un parlement pour juger le gouvernement entenlophile? Même nos austrophiles d'avant la guerre furent änlernés en Autriche, parce qu'un Serbe, même de cette couleur politique, ne se serait à aucun prix agenouillé devant le vainqueur. Avons-nous fait, avant d'intervenir dans la lutte pour la droit des peuples un fructueux commerce avec l'en nemi et ensuite marchandé avec les Alliés? N'avons-nous pas mené une lutte inteslina en Autriche, lutte qui a abouti à la décomposition de la double monarchie? Nos fils n'ont-ils pas été traqués comme des bêtes fauves, dt l'Autriche n'a-t-elle pas dressé pour xux d'innom: brables gibets? Dans les combats de Ia Dobroudja, nos volontaires yougoslaves, dont beaucoup de fils du Banat, n'ont-ils pas lutté avec tant d'’héroïsme que les Bulgares eux-mêmes ont dû reconnaître qu'ils avaient obtenu un buccès au milieu die La débacle générale? Enfin, ce furent nos soldats qui, aidés de nos admñrables Alliés, conduisirent celte foudroyante offensive où ils marchèrent, « braves comme des démons et impitoyables comme des justiciers », libérèrent la Serbie, en donnant le coup de grâce à la monarchie décomposée. Lorsque mos troupes onf traversé le Danube et occupé le Banat serbe, la Roumanie trouva utile de déclarer la guerre our la seconde fois, mais me fit en réalité qu’exécuter les conditions de l'armistice.

Et malgré tout cela, malgré la fidélité religieuse d'un peuple paysan, meurtri, mais he