La Serbie

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La propagande italienne a concentré ces derniers jours tous ses efforts sur Rijeka (Fiu-

me), inondant la presse d'innombrables articles

en faveur de l'annexion de Fiume par l'Italie. Cette campagne nouvelle est caractérisée par le fait qu'elle est alimentée par les milieux que l'on se représente généralement comme modérés et conciliants. Les deux organes démocratiques de Milan, le « Corriere » et le « Secolo » marchent à la tête de ce courant qui semble trouver dans certaine presse de Paris une complaisance par trop excessive.

Les arguments invoqués par ces propagandistes « modérés » sont bien bizarres. « Nous concédons, disent-ils, aux Slaves du Sud, la Dalmatie qui est un pays purement slave, et cette concession prouve que nous ne sommes pas des impérialistes. Nous demandons au contraire Fiume pour l'Italie, et puisque c'est nous qui le demandons, on ne peut pas qualifier d'impérialisme notre demande. »

C'est par une telle argumentation que les démocrates italiens ont essayé à Paris de convaincre la délégation américaine de la nécessité d'attribuer Fiume à l'Italie. Ils ne paraissent pas y avoir particulièrement réussi. C'est du moins l'impression qui se dégage de la lecture du « Secolo » du 12 février. Notons en passant que le « Secolo » a jugé nécessaire de nous adresser à cette occasion quelques injures « amicales » en disant que nous, Sudslaves, faisions une propagande « insolente » et « mensongère ».- Pour-être juste, il faut bien reconnaître que ce n'est pas trop dire après « l'immondice » de d'Annunzio |

Le «Corriere della Sera » procède avec plus d'habileté. Il construit d'abord une théorie que lui seul reconnaït et il s'empresse ensuite d'en tirer toutes les conclusions profitables à l'Italie. Au mois de janvier, le « Corriere » avait posé comme principe que la Vénétie Julienne — c'est ainsi qu'il appelle le territoire situé entre l'Isonzo et les Alpes Juliennes ne pourrait pas être partagée, et qu'elle devrait appartenir tout entière ou à l'Italie ou au royaume serbo-croato-slovène. La question ainsi posée, le « Corriere » la résout de la façon la plus simple : entre l'Italie et le royaume sudslave, pour lui il n'y a pas de choix. Le dit territoire doit être adjugé à l'Italie!

Dans son numéro du 12 février, le « Corriere» va encore plus loin. « Supposons, dit-il, que la Conférence attribue à l'Italie toute

- lstrie, y compris l'arrondissement de Volosca.

Nous devons le supposer, parce qu'il ne peut pas y avoir de transaction ou de discussion admissible sur l'unité indissoluble de la Vénétie Julienne. » Ainsi après avoir proclamé un jour l'unité de l'Istrie qui, selon lui, doit appartenir à l'Italie ou au royaume sudslave, le lendemain, le même « Corriere », s'appuyant sur sa propre théorie, estime que l'Istrie est définiti-

“vement attribuée à l'Italie. Quant à la deuxiè-

me combinaison, celle de l'attribution de l'Istrie à la Yougoslavie, qui n'est pas moins logique que la première, parce qu'il découle du même Principe posé par le « Corriere », le journal milanais ne l’envisage pas. L'esprit de justice l'en empêche évidemment.

Mais il y a plus. Une fois résolue la question de l’Istrie sur la base de cette théorie artificielle, il reste toujours la question de Fiume, et ici le « Corriere» a fait un véritable

_tour de force pour arriver à la conclusion que Fiume devait appartenir à l'Italie. Pourquoi, dit-il, laisser ce morceau de territoire petit, Mais précieux, en dehors de la frontière italienne : il vaut mieux compléter le traité de Londres en introduisant aussi Fiume dans la liste des avantages promis à l'Italie pour son entrée en guerre. Ce serait conforme aux principes de Wilson sur l’auto-décision des villes,

affirme le « Corriere », oubliant manifestement la fameuse leçon donnée à Rome par

JOURNAL. POLITIQUE Et EBDOMAD Paraissant tous les Lundis Rédacteur en chef : Dr Lazare MARCOVITCH, professeur à l'Université de Belgrade

: La question de Fiume

M. Wilson aux journalistes italiens, surle sens et la portée de sa pensée. « J'espère, avait déclaré M. Wilson, avec cet air souriant qui déplaît tant à M. d'Annunzio, — j'espère que vous ne demanderez pas l'annexion de NewYork par l'Italie, parce que de nombreux ltaliens habitent New-York, » Et M. Wilson formulait la supposition que les Italiens newyorkais étaient en majorité à New-York, supposition qui n'est pas applicable à Fiume, car Fiume entière, et non pas seulement la Fiume hongroise, est plus slave qu'italienne.

Cette manœuvre nouvelle qui consiste à séparer Fiume de l'ensemble du problème adriatique n’apportera pas cependant aux Îtaliens le profit qu'ils en attendent. Aucune propagande au monde ne pourra convaincre les gens objectifs de l'italianité d’une ville. croate située sur le sol croate et faisant partie intégrante du territoire national croate. Nous ne contestons pas qu'il y ait à Fiume beaucoup d'Italiens, mais cela ne suffit pas à transformer le caractère national de la ville. Jamais Fiume n’a appartenu à l'Italie: La Hongrie l'avait arrachée à la Croatie pour en faire un port. hongrois, mais cette violence ne change rien à la nationalité de Fiume, qui est indissolublement liée au corps serbo-croato-slovène. Le port de Fiume constitue l'axe de la dynamique commerciale du royaume sudslave, par sa situation géographique et par ses communications avec l’hinterland. Quant à la nationalité même de ses habitants, les Italiens passent sous silence un élément capital du problème, à savoir que Fiume-ville et son faubourg, Susak, ne font qu'un, et que la division administrative, conséquence directe de l'usurpation magyare, ne saurait pas nous empêcher de traiter la question dans sa forme naturelle. Or, il y a à Fiume, y compris Susak, plus de Sudslaves que d'Italiens. C’est une vérité contre laquelle tout le tapage des propagandistes italiens ne pourra rien.

Fiume est pour le Royaume sudslave ce qu'est Anvers pour la Belgique : la clef de sa vie économique. Enlevez Fiume à notre pays, ce serait le mutiler d'une façon monstrueuse, lui ouvrir une plaie qui ne guérirait jamais. On condamnerait par là tout l'organisme économique et social de notre nation à l’impuissance et à la stagnation.

La comparaison avec les ports belges d'Anvers et d'Ostende illustre très bien le problème économique de Fiume. Prendre Anvers aux Belges en leur recommandant de se servir d'Ostende, équivaudrait à ruiner la Belgique d’une ruine totale et irrémédiable. Dans notre cas, la situation serait pire encore, parce que nous ne possédons pas de port semblable à Ostende et qui soit relié avec l'intérieur du pays par chemin de fer.

La combinaison du port libre, placé sous {’administration internationale, suggérée récempar les Italiens, est pour nous inadmissible également. Une telle solution serait la source de frottements nouveaux et d'immixions permanentes de l'Italie dans les affaires balkaniques. On comprendra facilement notre déde faire tout pour éliminer cette

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ingérence.

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k propos d'un démenti

Nous avons publié dans le numéro du 27 janvier la réponse du président Wilson à l'adresse que lui avait fait parvenir le meeting des Serbes, Croates et Slovènes, Les journaux italiens et français ont publié un démenti d'après lequel le président Wilson n'aurait pas fait une telle communication. Ce démenti anonyme. nous oblige à déclarer que la communication publiée par nous est authentique et que le démenti italien avait été trop précipité. C'est ce que le « Secolo» a dû constater l’autre jour.

Prix du Numéro :

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AIRE

Suisse......, Gfr. — par an Autres pays. Ofr.— » 8}

ABONNEMENT }

Le Monténégro et notre union

- Les agents et les « ministres » de l'ex-rot Niéolas de Monténégro, n'ayant rien d'autre à faire, donnent des ailes aux nouvelles les plus ant

jettent à la face du peuple serbe, dont ils font eux-mêmes partie et qu'ils appellent « Prussiens des Balkans », n'auront trouvé d’écho que dans les feuilles vouées aux intérêts de nos ennemis. . C'est ainsi que l'Impartial suisse, ow plutôt le Partial bulgare s’empresse d'accueillir, avec un visible plaisir, les missives que lui envoie avec une obligeance tout amicale Le a ministre» par intérim des affaires étrangères de l'ex-roti Nicolas. Mais les mensonges ont la vie courte, surtout quand il est possible de faire des enquéles minutieuses à leur sujet. Le Monténégro étant facilement aceessible aux Alliés, ceux-ci

| n’ont pas tardé à pouvvir poursuivre leurs inves-

tigations relatives au soi disant régime militaire

4 erbe; ri Lé Bureau de presse monténégrin annonce,

‘én effet, de Podgoritsa que le général Franchet

d'Esperey, en compagnie des représentants

“cnglais, américain et italien, a visité le pays et

Jait une enquête sur la situation. La commission internationale a constaté que les troupes

Lau Monténégro ne sont pas serbes, mais yougo| slaves, et que leur force ne dépasse pas 500 hom-

mes. Ces soldats ne se sont mêlés ni aux élections ñt aux changements politiques. Les élections à

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{ la Grande Shkoupchtina ont été libres ; les 500

astiques et présentent les Serbes sous ur. RAD LEP EnOn qés que leurs auéeurs.

soldats yougoslaves n'auraient pu d’ailleurs imposer leur volonté à 50.000 Monténégrins armés. Tous les Monténégrins sont favorables

- à Fünionnationaleet ils ne veulent pas du rnt

Nicolas, qu'ils considèrent comrne traître à la nation. La révolte de Noël a été provoquée par quelques agents de l’ex-roi, soutenus par des agents italiens. Le calme règne dans le pays. Les personnes arrêtées sont au nombre d’une centaine. Les coupables seront jugés pur les tribunaux compétents. On a demandé aux autoritée italiennes de remettre au général Vénet ceux d’entre eux qui se trouvent à San Giovani di Medua ou en Italie, entre autres Jean Plamenac, nommé derniérement président du Conseil par lex-roi Nicolas.

Comme on le voit, le tapage que les « mintstres » et agents de l'ex-roi Nicolas ont mené autour de la soi-disant terreur serbe au Monténégro n'était qu'une intrigue mensongère destinée à seroir de tremplin à Nicolas Pétrovitceh pour un nouvel avènement au trône. Le peuple monténégrin a décidé lui-même, et les 1 ministres » et agents de. l'ex-roi Nicolas verront pour la dernière fois que leur temps, comme celui de leur maître, est passé, et que leurs intrigues sont devenues illusoirés. La rage désespérée qu’ils apportent dans leurs actions ne pourra rien changer au verdict du peuple serbe du Monténégro.

Le sabotage d’un principe

Ra proposition -<du royaume sudslave de

soumettre à l'arbitrage de Wilson son différend avec l'Italie a été une surprise pénible pour les soi-disant démocrates italiens. Pendant trois ans ces démocrates nous reprochèrent d’être des extrémistes et de n'avoir pas le courage de conseiller à notre peuple la modération et la conciliation. « Tandis que notre groupe, nous disaient Messieurs Solvemini, Prezzolini, de Viti de Marco, Schinetti, Ghisleri et leurs amis, avait affronté les plus graves injures pour avoir déconseillé aux Italiens de réclamer la Dalmatie, pays purement slave, vous, Yougoslaves, vous êtes tous les mêmes; aucun de vous n’osez reconnaître quoi que ce soit à l'Italie. »

En 1918, avant et après le Congrès de Rome, les démocrates italiens, d'accord avec certains éléments sudslaves, envisageaient la solution des questions territoriales par l'arbitrage de M. Wilson. On estimait à Rome, alors aussi, que seul l’arbitrage d’un juge impartial pouvait amener une décision équitable, dans le sens des principes de nationalités et de libre décision des peuples, proclamés publiquement du haut du Capitole. Et voici qu'aujourd'hui le royaume sudslave, injustement accusé de mégalomanie incurable, se décide à demander l'arbitrage dans une question qui,

‘au fond, se trouverait d'avance résolue si

les déclarations publiques et réitérées des hommes politiques alliés faites au cours de la guerre devaient être prises au sérieux comme tous les petits peuples les prennent au sérieux. Cet arbitrage que nous proposions, qui sait ce qu’il nous aurait apporté ? Quelles garanties avions-nous que les intérêts vitaux de notre nation seraient sauvegardés ? Aucune.

Nous n’en avons pas moins proposé l’arbitrage dans la pensée que ce mode de solution du conflit serait favorablement accueilli par la Conférence.

Les Italiens ont dès lors tout fait pour dénaturer le sens de notre proposition et pour saboter ainsi un principe excellent. Nous n’y avons rien perdu, bien au contraire, mais ce qui est vraiment regrettable c'est de voir les grands organes démocratiques italiens faire chorus à cette occasion

avec les feuilles neutrelistes, germanoplules et serbophobes. Ce spectacle, triste en lui-même, a pourtant pour nous cette importance particulière de nous démontrer toute l'Italie unie dans l’'égarement déplorable où la politique de M. Sonnino l’a conduite. Le dernier espoir de voir M. Orlando se séparer de M. Sonnino semble évanoui et nous constatons avec regret que Ceux parmi nous qui affirmaient que Sonnino et Orlando ne faisaient qu'un, avaient bien raison.

Sans nous arrêter au Secolo qui appelle la réponse italienne un refus logique correspondant au sentiment général du peuple et sans insister sur la déclaration du Corriere della Sera qui affirme que l'Italie, en acceptant l'arbitrage, serait tombée au rang d’une puissance de moindre importance — remarque bien étrange et qui nous donne à réfléchir sur la conception italienne de la Ligue des Nations et de l'arbitrage obligatoire — notons plutôt que l'attitude de l’Epoca, organe attitré de M. Orlando.

L'Epoca publait, un jour seulement avant la nouvelle de l'arbitrage, un artiele fort judicieux sur la position de l'Italie par rapport aux principes de Wilson. « Nous avons fait la guerre, écrivait l’Epoca, pour le pacte de Londres, et sur le pacte de Londres, c’est-à-dire sur la base d’un traité conclu avec la mentalité et suivant les nécessités d'avant la guerre, lorsque l’Autriche-Hongrie représentait un bloc et que les alliances se basaïent sur le principe d’équilibre, étant par conséquent antagonistes. Perdue la Russie, le traité pouvait être considéré comme nul. Il devenait nécessaire, à ce moment-là, de faire de la politique, de trouver des compromis dans les compromis. Mais plus l'engagement que la France et la Grande-Bretagne seules avaient envers nous, nous semblait être un danger, plus nous nous crampionnons à lui pour le tenir sous nos pieds de toutes nos forces, sans nous apercevoir que les prémisses dont il résultait, s’écroulaient l’une après l’autre. »

Après avoir parlé, dans la suite, de l’Amérique, de son poids dans la victoire, le journal de M. Orlando concluait :