Le drame serbe : octobre 1915 - mars 1916

90 LE DRAME SERBE

PAnatolie. Vous verrez des Turcs en Champagne! »

À ce moment, le gendarme entra. Il apportait une dépêche de Rome. Le texte s’arrêtait au milieu d'une phrase. Le télégraphiste avait inscrit cette mention : « Interruption par suite de la rupture des fils. » Le jeune secrétaire d’État me dit : « Uskub vient d’être occupé par les Bulgares, nous sommes coupés du reste du monde. Si vous parvenez à rejoindre par l’Albanie l’armée française de Salonique, dites aux vôtres de faire vite, sinon ils ne retrouveront plus la Serbie! »

Je partis. Dehors, la Nichava roulait noire et furieuse sous un ciel d'orage. Sous le porche de la préfecture déserte, je croisai la haute silhouette du ministre Pachitch. Il marchait comme perdu dans un rêve douloureux, la tête penchée sur l'épaule, sa tête de Christ à barbe blanche, tête d’un Christ dont la Passion aurait duré cent ans.