Le drame serbe : octobre 1915 - mars 1916

148 LE DRAME SERBE

Nous approchons. Les coups sourds du canon se font plus distincts. Nous croisons une estafette qui passe au grand galop. Tout comme sur le front de France, une gradation savante d'images guerrières vous empoigne à mesure que vous avancez vers le front de combat. Nous dépassons le train des équipages, le pare d'artillerie, l'ambulance. Chaque service est à sa place, bien en ordre. Halte ! Un dragon, mousqueton au poing, fait stopper mon auto. Le mot d'ordre ! On repart. La vallée encaissée où nous roulons depuis Krivolak s'élargit brusquement en débouchant sur la Cerna. Nous sommes en plaine. Sur cette plaine blanche des corbeaux tourbillonnent. Le bruit des batailles, loin de les effaroucher, les attire. Celles-ci sont pourles charognardsl'annonce de macabres festins. Non loin de Vozarci un capitaine de chasseurs d Afrique, en réserve avec ses hommes, nous a crié : « Ah! ah! Vous venez vous rendre compte de la situation? » C'était dit, cela, d'une facon nerveuse qui laissait deviner bien des choses.