Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

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108 LE MONTÉNÉGRO CONTEMPORAIN.

Riéka, ont été renommées aussi bien pour la qualité que pour la quantité du poisson qu’elles fournissent. Mariano Bolizza cite à plusieurs reprises les carpes, les tanches, les anguilles délicates, les truites atteignant le poids de cent livres et enfin les célèbres scorenze. Depuis deux siècles et demi, ni le lac de Scutari ni les fleuves monténégrins n’ont dégénéré à cet égard, etsi nous n'avons pas vu les truites de cent livres de Bolizza, au moins

nous a-t-il été donné de contempler quelques-uns de

ces véritables phénomènes du monde fluvial pesant jusqu'à vingt-cinq ocques, c'est-à-dire/soixante-quinzelivres. Mais cest surtout à la présence d'un petit poisson du genre mugil ', gros comme une sardine, et remontant, à la saison d'hiver, des eaux du lac dans celles de la Tsernoiévitja Riéka, où on le prend en innombrable quantité, que le Monténégro doit le principal revenu de ses rivières. La pêche des scorenze ou oukliéva est un épisode trop important de la vie monténégrime, pour qu'elle ne soit pas, ultérieurement, de notre part, le sujet d'une description spéciale.

1 Tons les voyageurs qui ont parlé de ce poisson le donnent comme appartenant au genre mulle ou mulet. Nous le considérons au contraire comme devant rentrer dans le genre muge ou mugil et se rapprochant beaucoup du mugil mulet (mugil cephalus de Linné).. On sait que ce dernier, très-abondant dans la Méditerranée et sur les côtes d'Espagne, dans le Rhône, le Tibre et le Pô, remonte aussi par milliers à l'embouchure de la Garonne et de la Loire, et qu'il vit indistinctement dans l'eau salée et dans l'eau douce, celle-ci même le rendant meilleur. Sa pêche est, comme celle des scoranze, quelquefois si abondante, qu'on ne peut le consommer frais, et alors on le sale, on le fume comme les harengs. Avec ses œufs on fait (ainsi que cela a lieu à Scutari d'Albanie), une sorte de caviar ou poutarque très-estimé. Catesby parle d'un mugil qui remonte les rivières de la Caroline en si grande quantité que lés eaux en sont couvertes. Les mugils étaient connus des anciens, et Pline a décrit les pêches phénoménales dont ils étaient de son temps déjà l'objet.