Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE TROISIÈME. 195

x. Xavier Marmier sur ce peuple est une intuition: tout ce qu'il n'a pas vu, il l'a deviné. Pourtant nous devons regretter qu'à la fin d'un récit frappant de couJeur et de vérité, l'illustre membre de l'Académie française ait pu tracer ces lignes pleines de désillusion qui rononceraient l'arrêt fatal des Monténégrins : « Dans les lois d'ordre et d'équité, dans le mouvement intellecjuel de la société européenne, leur pays n'apparait comme une île barbare au sein des flots de la civilisation, et leur existence comme un fait anormal qui ne peut subsister. » L'avenir ne ratifiera point, nous l’espérons pour le Monténégro, une sentence aussi sévère, et l'anathème prononcé, il y a vingt ans, par l'écrivain ne retombera pas sur un pays qui nous est cher à bien des titres et auquel nous serons toujours attachés d'une facon sacrée par les liens d'une longue hospitalité.

Nous ne pensons pas qu'il soit possible de grouper sous un type commun la population monténégrine et de Jui fixer une caractéristique, ainsi qu'on l’a plusieurs fois et trop hardiment tenté. Car, de même que, dans un grand État, nous voyons les habitants de chaque province manifester des caractères physiques ‘ extrêmement tranchés, de même aussi, sur le territoire si restreint du Monténégro, nous voyons des types bien différents apparaître d'une extrémité à l’autre du pays, ou se perpétuer dans les limites étroites d’une nahia ou même d'une pleme. La race Ariane, dans toutes ses variétés, semble du reste se prêter partout à ces métamorphoses, et pour ne citer qu'un exemple, si les Lacédémoniennes devaient à leurs cheveux blonds, à leurs yeux bleus une partie de leurs charmes, les Messéniennes, au contraire, étaient vantées pour leurs yeux et leurs