Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE TROISIÈME. 129

même temps le Tsernogortse trouve dans la mobilité et Ja susceptibilité de son système nerveux, dans la turbuJence de ses sympathies et de ses passions, une nouvelle cause de stimulation générale. De là, tous les excès comme toutes les vertus d'une nature exubérante. Au moral, cette organisation brillante se traduira par la gaieté et la vivacité de l'esprit, l'éloquence naturelle, la mobilité de l'imagination, le sentiment poétique, la témérité la plus inconsidérée dans l'attaque suivie d'un découragement facile dans l'insuccès, la pétulance et l'inconstance, les colères violentes et les retours faciles.

L'orgueil de race, un sentiment exalté de sa propre valeur, des idées chevaleresques inculquées dès l’enfance, donnent au port, à la démarche du Monténégrin quelque chose de haut et de méprisant qu'il transporte même à l'étranger. Une main fièrement campée sur la hanche, tandis que l'autre repose sur son handjar, vous le voyez, pendant de longues heures, tout plein de sa suflisance et de sa personnalité, promener ses loisirs dans les rues de Tsettinjé; et pour peu qu'il soit revêtu de quelque dignité, ne fût-il que centurion ou porte-drapeau, recevoir presque dédaigneusement les hommages dont, heureusement pour sa vanité, on le gratifie à chaque pas. Véritable comédien dans le drame de son existence, c’est un rôle qu'il étudie, qu'il joue presque constamment ; le naturel ne lui revient qu’à regret, etsivous lui êtes étranger, il ne le retrouvera jamais pour vous.

Comme tous les peuples encore primitifs, le Monténégrin jouit d'un développement extraordinaire de cerfains sens, tandis que les autres sont au contraire complétement émoussés. Le goût, dans sa véritable acception, n'existe pas chez lui, ou ne se réveille que