Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

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sous l'influence des excitants les plus énergiques. Aussi, il aime avec passion les liqueurs fortes, les huiles rances, les épices de tout genre, l'oignon, les poireaux crus, les graisses fortement odorantes, les viandes fumées; mais le gibier fin, les mets délicats n'ont aucun attrait pour lui. Son odorat n'esten aucune facon affecté par les exhalaisons les plus répugnantes, tandis qu'il exprime du dégoût pour certains parfums. Son ouïe est d’une finesse extrême. À d'énormes distances il perçoit les interpellations qui lui sont faites, souvent d'une montagne à une autre, alors que la voix n'arrive à notre oreille que comme un vague son. De son côte, il jette dans l'air sa réponse en syllabes accentuées, véritable télégraphie où l'onde sonore remplace l'électricilé. Sa vue est d'une acuité sans pareille et plonge dans l'horizon avec autant de sûreté que nous pourrions le faire, l'œil armé d'instruments délicats. Rarement il ignore le point que la balle de sa carabine vient de frapper, et il reclifie son tir avec une surprenante justesse. La myopie est presque inconnue dans la Montagne-Noirc, et sile degré de cette infirmité donne chez un peuple la caractéristique du développement de son instruction, 01 peut dire hardiment que, de ce chef, les Monténégrins sont bien à l'apogée de l'ignorance.

La sensibilité physique du Tsernogortse n'est pif très-développée, s’il faut s'en rapporter à l'impassibilité avec laquelle il supporte les blessures les plus graves : une simple maladie, au contraire, abat subitement toule son énergie. Très-apte à tous les exercices du corps tels que la course, le saut , la lutte, et capable de dépenser au travail une somme considérable de force el d'activité, le Monténégrin recule néanmoins devant la