Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE QUATRIÈME, 14T

moisson. Ils reviennent le soir sans aucun fardeau: nous, nous leur rapportons des racines pour leur nourriture, et du maïs pour la boisson. De retour chez eux, ils vont s’entretenir avec leurs amis; nous, nous allons chercher du bois et de l’eau pour préparer leur soupe. Ont-ils mangé, ils s'endorment; nous, nous passons presque toute la nuit à moudre le maïs et à leur faire la chica. » Pas un de ces traits violents ne manque au tableau de la vie d’une {sernogortse; à plusieurs siècles de distance les mœurs de l'Orénoque revivent au milieu des rochers de la Montagne-Noire.

Si l'explosion d'une joie délirante accueille à sa naissance l'héritier du guerrier monténégrin; si le bruit de la mousqueterie et les vivat du festin célèbrent ce jour fortuné, la tristesse et le désenchantement sont au contaire au foyer domestique , Quand une fille vient accroître le chiffre de la famille. Aux questions que vous ferez au père sur le sexe de son nouvel enfant : « Pardonnez-moi, répondra-t-il, pardonnez-moi, c’est une fille {oproslile, imamo 1edny K'cer) ; volontiers aussi il dira : C'est un serpent ({oÿjesmiya). Aussi, ce petit être, rejeté dès ce moment loin des tendresses et des soins passionnés dont ses frères ont accaparé toutes les faveurs, va grandir, ignoré, misérable, jusqu’au jour où ses forces naissantes pourront donner à la maison leur maigre revenu. Initiée dès ses premières années aux faciles travaux du ménage, le jour arrive bien vite où la forêt et les champs réclament aussi la fille monténégrine. Enfant encore, vous la verrez, maigre et pale, descendre des montagnes, ploÿant sous le fagot de bois sec qui lui rapportera quelques kreutzers; jeune fille, au lieu de laisser à la nature le temps d’arrondir $es formes ñais-