Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE QUATRIÈME. 151

montagne en montagne, mieux garantie par le respect, peut-être un peu hypocrite, dont elle est entourée, que par n0$ lois les plus sévères. Vous la verrez s'approcher d'un inconnu et, pourvu que celui-ci porte quelque signe de. distinction, lui baiser humblement la main, s'offrir à lui rendre tous les services dont il peut avoir besoin ; maïs malheur à celui qui lui adresserait quelque parole d'offense ou de provocation, car elle trouverait dans chaque passant un protecteur, et de retour au village, peut-être dix amis disposés à laver dans le sang l'insulte qui lui aurait été faite. Aussi, vous la rencontrez à toute heure, par les sentiers les plus déserts,’ cheminant {tranquillement derrière l'âne ou le mulet de la maison, portant au bazar le maigre produit de son troupeau et de son petit champ. Les jours du marché de Cattaro, c’est en groupes nombreux que, chargées de leur fardeau de bois, de poissons ou de légumes, et le tricot ou le fuseau à la main, accomplissant ainsi une double tâche, elles descendent dès l'aube la route autrichienne et que, le soir venu, elles regagnent la montagne, en rapportant de nouveau à Tsettmjé les marchandises arrivées de Trieste par le paquebot du Lloyd. Et pour se distraire des ennuis de ces routes longues et pénibles, ce sont encore d'intermimables causeries où, grâce à la langue imagée du pays aussi bien qu'à la faconde nationale, les moindres incidents revétent les proportions d'une épopée domestique. Si, par hasard, la phalange féminine vient à passer devant quelque lieu, théâtre d'un événement tragique ou ravivant de tristes souvenirs, les conversations s’interrompent, un chant pathétique, répété de file en file, s'élève à travers les rochers comme une mélodie funèbre et