Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE QUATRIÈME. 153

côté : « Celle-ci... Oh! toi. » Demandez à la femme comment s'appelle son mari, elle répond en riant : « Je ne sais pas, le diable l'emporte» (Nesnam ia, Diavolo nosi). Que le mari de son côté soit mis en demeure de trahir l'incognito de sa femme, il répondra avec embarras : « Excusez-moi, c'est ma femme » (Da Prostile mojazena ), Comme si le décorum masculin devait être offensé par cet aveu. Du reste, la Monténégrine n'accompagne jamais son époux dans ses courses, soit à la capitale, soit ailleurs; elle peut néanmoins se rendre au bazar avec les amis de la maison ou avec ses paranymphes ‘. Rencontre-t-elle son mari sur la route , Ou vientelle à le rejoindre, elle s'éloigne ou le dépasse rapidement; quelquefois même elle prend un autre chemin. Si la rencontre des deux conjoints se.trouve forcée, le mari, feignant d'allumer sa pipe ou de rattacher ses jarretières, s'arrête ; mais il doit à tout prix éviter la honte de paraître accompagner sa femme, ce qui deviendrait au village le motif de méchantes plaisanteries. Alors même que celle-ci ne lui a donné aucun motif d'irritation, il en suscite pour acquérir le droit de la corriger, ce qu'il fait souvent de la facon la plus brutale ; si la victime se défend, la correction n’en est que plus violente. Du reste, parents ou voisins ne s'émeuvent en aucune facon de ces scènes conjugales, que l'intervention d'un tiers ne Pourrait qu'envenimer; et qui sait si la Monténégrine ne répondrait point alors à son protecteur impertinent comme la femme de Sganarelle à son voisin Robert : « Il me plaît d'être battue. » Le souvenir de ces violences ne laisse du reste aucune trace, aucun res-

! Garçons d'honneur qui ont figuré à son mariage.