Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

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sentiment chez celle qui en a été l'objet; bien au contraire, c'est avec un sentiment de fierté qu'elle accepte ce joug despotique; car l'homme qui l'a choisie lui apparaît avec une sorte de majesté redoutable qui la relève à ses propres yeux. Le Monténégrin qui, du reste, emploierait, à l'égard de sa femme, des procédés plus conformes aux habitudes de notre civilisation serait accusé de faiblesse et peut-être méprisé. Les fêtes du mariage sont à peine terminées, que déjà la jeune épouse va reprendre le labeur qui lui incombait dans la maison paternelle. Une triple obligation journalière lui est imposée, celle d'aller à la fontaine, d'approvisionner de bois la maison et de préparer les repas; tout autre travail Jui est plus ou moins facultatif; le plus grand nombre emploient leurs loisirs, soit à filer ou tricoter, soit à tisser les couvertures et quelques étoffes employées dans le pays, ou bien encore à exécuter une broderie assez délicate dont elles parent diverses pièces de leurs vêtements. Les Monténégrines, comme toutes les femmes slavones, paraissent avoir un talent inné pour la broderie, et elles y déploient une patience digne d’un meilleur résultat que celui auquel elles arrivent, avec les moyens très-primitifs qui sont à leur portée. Les travaux intellectuels, comme nous l'avons dit déjà, leur sont tout à fait inconnus : on n’eût pas trouvé, il y a quelques années, dans tout le Monténégro, une seule femme sachant lire et écrire. En revanche, elles supportent avec un courage et une constance inébranlables une grande partie des travaux de la culture, le transport des produits de la campagne, les courses les plus longues et les plus difficiles dans les montagnes. La grossesse et Les devoirs de la maternité ne suspendent point ce labeur forcé et