Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE QUATRIÈME. 155

ces pérégrinations, et l’on a vu maintes fois une femme rapporter au logis, enveloppé dans son tablier, l'enfant dont le premier cri, jeté sur la pierre nue et froide du sentier, n'avait eu pour écho que la solitude des montagnes. Aucun des soins dont nous entourons la jeune mère, aucune des précautions que nous prodiguons à la faiblesse du nouveau-né n’entrent dans les habitudes monténégrines : la nature seule est chargée de parfaire son ouvrage et de sauver à la fois la mère et l'enfant. L'ambition, le rêve de toutes les femmes, c'est d'avoir des garçons; plus ceux-ci seront nombreux, plus aussi elles seront aimées, honorées et émancipées. Que leur serviront des filles dont la naissance apportera la tristesse, le trouble et la désunion dans la maison! Le rôle d'infériorité et de sujétion de la femme se continue même à l'égard des visiteurs qu'elle reçoit au logis. Si ce sont des parents, ceux-ci la baisent au front ou sur la joue; si ce sont des étrangers , ils se contentent de faire entendre un baiser sonore qui se perd dans le vide, tandis que la femme elle-même leur baise la main ou l'épaule.” Si l'étranger vient de loin, la maîtresse de la maison délace ses chaussures et les fait sécher, défait ses molletières , puis, selon l’ordre qui lui est donné, apporte de l'eau chaude ou froide et lui lave les pieds, service qu'elle ne rend au contraire jamais à son mari lui-même: Quand arrive l'heure du repas, au lieu de prendre place à la table commune, elle vaque au service des convives, en tenant elle-même à la main, si c’est le soir, le morceau de bois résineux enflammé (loutchè), qui remplace tout autre mode d'éclairage tant soit peu recherché. Quand le Monténégrin vient à tomber malade, ce