Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

156 LE MONTÉNÉGRO CONTEMPORAIN.

n'est point de sa propre femme qu'il doit attendre des soins empressés; celle-ci semble laisser aux parents, aux amis le soin de plaindre son mari; elle le regarde à peine et continue de s'occuper des affaires du ménage. Sans proférer une seule parole de tristesse ou de consolation, elle attend impassible le moment fatal ; celui-ci est-il arrivé, elle peut alors s'associer à la douleur commune et donner un libre cours à ses lamentations. Mais dans ses cris funèbres ne vous attendez point à voir célébrer autre chose que le courage de celui qu’elle a perdu, et les nombreux trophées rapportés par lui des combats.

Les femmes monténégrines accordent à leurs enfants, surtout si ce sont des garcons, des soins dévoués et attentifs plutôt qu'intelligents. On doit blâmer, en effet, l'habitude qu'elles ont de continuer l'allaitement jusqu'à un terme si extrême , qu'il arrive un moment où l'enfant vient de lui-même, au cours de ses jeux, chercher au sein maternel la nourriture qu'il y prend quelquefois depuis trois ou quatre années. Ajoutons que du moment de sa naissance jusqu'à celui où il peut essayer ses premiers pas, il est soumis à une véritable torture, qui lui est imposée par les usages, ou plutôt les préjugés du pays. C'est en effet dans l'immobilité la plus absolue que s'accomplit l'évolution de son jeune organisme. Comprimé étroitement dans ses langes, les membres étendus et serrés au Corps comme ceux d’une momie égyptienne, et de nouveau emprisonné sous la longue bande qui le fixe à sa couche, ce pauvre petit être passe ses jours et ses

nuits ne faisant qu'un avec son berceau; car sa mère ne se donne pas même la peine de lui rendre sa liberté pendant les courts instants de l'allaitement. Si la mère est obligée de transporter son enfant dans les montagnes: