Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE QUATRIÈME. 157

été comme hiver elle recouvre d’épaisses couvertures le berceau chargé sur son dos, ne laissant à la pauvre créature qu'une provision d'air insuffisante et difficile ment renouvelable à travers de pareils obstacles. C'est du reste une mission que les femmes acceptent difficilement, quand il ne s’agit pas de leur propre enfant; un préjugé très-respecté leur interdit presque le transport du nouveau-né qui ne leur appartient pas. Les excursions dans la forêt pour querir le bois de chauffage nécessaire, les travaux de la campagne, la réclusion pendant les mois d'hiver dans des chaumières enfumées, l'absence de tout bien-être dans l'existence, tout contribue à priver de bonne heure la Monténégrine des attraits de son sexe. Sa fraîcheur disparait, des rides précoces envahissent son front, sa main se déforme, son pied devient large et plat, tandis que la jambe semble en quelque sorte se tasser sur elle-même, et que ses attaches s’épaississent, de façon à substituer aux saillies et aux contours normaux une forme cylindrique des plus disgracieuses. Ce n’est que dans les famillés aristocratiques du pays, où la femme n'est point dès l'enfance assujettie à un labeur aussi pénible que celui de ses compagnes, qu'il est permis de retrouver ces qualités physiques de race dont nous avons parlé, et qui se traduisent par la finesse relative des extrémités et une certaine noblesse dans le maintien. Mais si, faisant un instant abstraction des qualités purement extérieures, nous envisageons la femme tserno: gortse à un point de vue plus élevé, nous trouvons une créature modeste, sobre, diligente, capable d'un dévouement de tous les instants et d'autant plus méritoire qu'il est plus obscur, accomplissant quelquefois les actes les plus héroïques du courage viril. Jeune fille,