Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE SIXIÈME. 185

à pieds joints où le Monténégrin arrive à franchir son cheval. Puis vient le jeu du palet (igraïské plôiki) pour lequel il a une vraie passion; le jet de la pierre (batsati sè hamena) ou celui du boulet (batsati sè djuleta). Qu'on ajoute à ces exercices une gymnastique variée sous toutes les formes, et l’on ne sera plus étonné du développement harmonique et complet qu'acquiert de bonne heure le Tsernogortse, et qui souvent lui donne, au milieu de l'adolescence, les apparences d'une virilité parfaite. Les jeux et les exercices auxquels il doit ce bénéfice si précieux chez un peuple essentiellement guerrier, sont tellement en honneur, et si loin de faire perdre à celui qui s’y livre le caractère de gravité qui peut appartenir à son rang, que souvent on peut voir, en pleine capitale, le chef du gouvernement lui-même, au milieu des personnages les plus considérables du pays, disputer avec succès le prix de la force ou celui de l’agilité. C’est que les vicilles habitudes nationales, entretenues par les nécessités d'une vie militante, ont élevé à la hauteur d’une sorte de culte ce qui ne serait pour nous qu'un vain amusement, et le Tsernogortse, vainqueur à ces nouveaux jeux pythiens, serait volontiers, comme au siècle de Périclès, couronné de chêne, de laurier ou même d’or.

En même temps que le jeune Monténégrin se prépare, par les exercices corporels, à l’accomplissement des devoirs pénibles que lui imposera son rôle de défenseur du pays, il apprend, par les récits qui occupent les veillées autour de l’âtre et par les longues rapsodies qu'il transmettra lui-même un jour, les fo les plus glorieux de l'histoire de sa nation. L

Les noms des héros serbes lui deviennent familiers ;