Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

184 LE MONTÉNÉGRO CONTEMPORAIN.

Monténégrin. Ce n’est à former ni son cœur ni son esprit que s’appliqueront les précepteurs naturels de son âge, mais à développer dans toute la limite du possible sa force physique, son adresse, son agilité, et à lui inculquer ce sentiment de sa valeur personnelle qui, plus tard, dominera tous les autres. Habitué à s'adresser à ses parents comme à des étrangers, en les appelant, suivant la coutume du pays, par leur propre nom, l’enfant ignorera toutes les délicatesses du respect filial ; dans son rôle amoindri et presque servile, sa mère lui apparaîtra difficilement aussi avec l’auréole surnaturelle dont nous l'entourons. Les chants héroïques, les longs récits des prouésses accomplies par les chefs célèbres et par ses propres ancêtres, nourriront en même temps en lui une aspiration précoce vers la gloire, le respect pour son prince et l'amour du pays. Son impatience ne lui permettrait point d'attendre, comme aux jours de l’ancienne Rome, le jour de la nubilité pour revêtir la robe prétexte : à peine au sortir des langes, il a déjà le costume viril et porte fièrement dans le kolan le poignard qu'on déposa dans son berceau au jour de sa naissance. Il s'initie gravement à la démarche théâtrale des hommes faits, et rêve combats et distinctions à l’âge où l'enfance vulgaire n'aspire encore qu'à la variété des plaisirs, et n’accuse sa volonté que par ses révoltes contre le joug paternel. Ses amusements ne sont que la répétition amoindrie des jeux par lesquels le guerrier de la montagne entretient journellement sa vigueur et son élasticité.

C'est d'abord la lulte, puis la course, le corps allégé ou l'épaule chargée d’un poids quelquefois considérable ; c'est le saut en rase campagne ou à {ravers des obstacles élevés jusqu’à hauteur d'homme ; enfin le saut