Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

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cité, rappelle le deuil que l’on célèbre; quant aux hommes, ïls ne sauraient manifester des émotions qui diminueraient leur dignité et leur importance, et auxquelles du reste ils ne semblent que fort peu accessibles. Pendant les mois qui suivent l'enterrement d’un parent, et surtout aux jours de fête, agenouillées sur la tombe, les femmes recommencent de temps en temps les lamentations, donnent au défunt des commissions pour l’autre monde, et aspergent d'eau bénite la pierre tumulaire. La douleur n’est ni moins bruyante ni moins démonstrative, quand arrive dans une famille la nouvelle de la mort de l’un de ses membres, décédé même depuis longtemps. Nous fûmes un matin éveillés par une scène semblable à celles que nous avons décrites, et qui avait lieu dans une maison contiguë à la nôtre. Informations prises, nous fûmes frès-étonnés d'apprendre que cette explosion de cris et de gémissements, à laquelle les voisins euxmêmes prenaient part, avait été motivée par la réception d'une lettre de Moscou annonçant le décès d’un jeune homme ; mort six mois auparavant. Par la solennité que l'on apporte à la célébration des funérailles des gens de classe moyenne, on doit s'attendre à voir celles des personnages illustres entourées d'un éclat extraordinaire. Six semaines après la mort du prince Danilo, n'avait point encore cessé le concours des montagnards arrivant journellement et par milliers à Tsettinjé pour rendre les derniers devoirs à leur chef vénéré. Les abords de la petite capitale n'étaient plus qu'un vaste camp où, du matin jusqu'au soir, rôtissaient les moutons et circulaient les botzas de vin et d'eau-de-vie: tout cela du