Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

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toujours ; car, s'ils voient quelqu'un s’en éloigner avec terreur, ils s'empressent de suivre le fuyard; tandis que si un téméraire les affronte devant eux, ils fuient cet audacieux sans croyance; c'est l'écho (vada), esprit malin, qui habite les cavernes et se plait aux malheurs d'autrui; c'est enfin le vampire (voukodlak) dont M. Cyprien Robert a fait ce portrait terrifiant :

« Les populations de la Serbie et de l’Hertségovine ont conservé plus d'une sombre légende d’âmes condamnées, après la mort, à errer sur la terre pour expier leurs fautes, où mêmeà se renfermer dans le sépulcre, pour y faire vivre les voukodlaks ou vampires. Le voukodlak (littéralement loup-garou) dort dans sa tombe, les yeux ouverts, le regard fixe; ses ongles et ses cheveux croissent, un sang chaud court dans ses veines. C'est aux nuits de pleine lune qu'il sort pour faire ses courses et sucer lesang des vivants, en leur ouvrant la veine dorsale. Quand un mort est soupçconné de quitter ainsi sa couche, on le déterre solennellement; s’il est en putréfaction, le pope se borne à l’asperger d'eau bénite; s’il est rouge et sanglant, on l’exorcise, et, en l’inhumant de nouveau, on lui plonge un pieu dans la poitrine pour qu'il ne bouge plus. Autrefois les Serbes criblaient de balles la tête du cadavre, puis brûlaient le corps. Ils ont aujourd’hui renoncé à ces vengeances, mais ils répètent encore que les corbeaux les plus affamés fuient loin de ce cadavre vivant, sans même oser le toucher du bout de leur bec. La Thessalie, l'Épire et les Vlachi du Pinde connaissent une autre espèce de vampires dont parlait déjà l'antiquité; ce sont des hommes vivants en proie à une sorte de somnambulisme qui, saisis par la soif du carnage, sortent la nuit de leurs huttes de bergers, et courent la campagne, déchirant de leurs morsures tout ce qu'ils rencon= trent, hommes ou bestiaux. Ces voukodlaks, avides surtout du sang frais des jeunes filles, s’accouplent, dit le peuple, avec la Viechtitsa, gnôme femelle, fantôme aux aîles de