Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

299 LE MONTÉNÉGRO CONTEMPORAIN.

La veillée du nouvel an est encore une occasion de réjouissances autour du foyer, où se consume la dernière bûche du badnjak, conservée pour cette circonstance. Par miracle, cette nuit-là, la crémaillère ne brûle pas, et l'on peut sans danger la décrocher avec la main’. Dès l'aube commencent les accolades, les souhaits et les félicitations de tout genre, auxquels parents, amis, et même gens ne se connaissant pas du tout, ne sauraient réciproquement manquer. On allume sur la table les mêmes cierges qu'à Noël, puis le chef de la maison boit à la santé des siens, les bénit trois fois, et répand du vin de facon à éteindre les trois lumières. Si par hasard l'un des cierges reste allumé, c'est un heureux présage de longue vie pour celui devant qui il se trouve placé.

Fêtes monténégrines où l’homme avec ses faiblesses et sa simplicité, et la religion avec sa poésie et sa majesté, savent si bien s'entendre et s'unir, à ceux qui chaque année fêtent votre joyeux retour, comme à celui qui n’a fait que vous entrevoir, vous laissez de plus doux souvenirs que les fêtes luxueuses, si souvent pleines de contrainte et d'ennui, d’une civilisation raffinée. Avec quel charme et quelle vérité le pauvre montagnard, au coin de son foyer de Noël où pétille le traditionnel badnjak, ne pourrait-il pas s’écrier avec le poëte : Me mea pauperlas vile traducal inerli, dum meus exiquo luceat igne Jocus *.

Comme tous les peuples habitués à s’instruire dans le livre toujours ouvert de la nature, les Monténégrins tra-

1 Quand vient à mourir le chef de la maison, on réunit en bloc la crémaillère et on la lie ainsi pour trois ou quatre jours; c’est un signe de grand deuil.

? Treuze, liv. I, élégie 1.