Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

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était devenue possession anglaise, et l'on y avait érigé de grands arsenaux pour la marine et l'armée; c'était aussi pour l'Angleterre l'entrepôt commercial le plus important de l'Adriatique. Au sud-est de Lissa s'étend la grande île de Corzola, dont les habitants jouissent dans toute l'Adriatique d’une réputation méritée comme charpentiers et constructeurs de navires. Pour se rendre de Corzola à Raguse on longe la grande presqu'île de Sabioncello ; puis, après avoir passé en vue de l'île de Meleda, sur laquelle les Dalmates prétendent qu'eut lieu le naufrage de saint Paul, en l’année 57, on s'engage dans un labyrinthe d’ilots presque tous fortifiés, et l'on gagne enfin l'entrée du val d'Ombla, dans lequel est enfermée cette baie de Gravosa qui sert de port à Raguse. La ville n’est qu'à vingt minutes de là, et des voitures attendent les voyageurs pour leur épargner la fatigue de la route assez rapide qui mène à la vieille cité. Construite par les Francais et embellie par les Autrichiens, cette route passe à travers de nombreuses ruines de villas et de petits palais détruits par les Monténégrins, pendant le siége auquel ils prirent part, de concert avec les Russes, en 1806.

Fondée vers le milieu du septième siècle, c'est-à-dire deux cents ans plus tard que Venise, Raguse résista opiniâtrement à tous les stratagèmes, à toutes les flatteries de sa rivale, et sut ainsi éviter l'esclavage qu’on lui réservait. C’est la seule ville de la Dalmatie où ne se dresse point le lion de Saint-Marc. Rappelons en deux mots son histoire. En 689 avant Jésus-Christ, une colonie grecque avait fondé à quelques lieues au sud de la pointe de terre où s'élève Raguse, la ville d'Épidaure, célèbre par son temple et son port. Conquise par les Romains, Épidaure, pendant la guerre de Pompée et de César, prit parti pour