Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

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ment un jour aux sénateurs assemblés que la république de Raguse a cessé d'exister. Sept ans plus tard le congrès de Vienne remettait la Dalmatie à l'Autriche. Noble et fière ville que Raguse, dont l'histoire n’a que des pages glorieuses ; digne d’être comparée à Venise ë mais plus loyale, plus honnète, plus vertueuse que celleci; car, suivant la belle antithèse de M. Marmier : « Autant Venise se montra ambitieuse dans son essor, avide dans ses calculs, possédée du désir d'étendre de toutes

parts ses conquêtes, hautaine et dure envers les pays :

qu’elle dominait, intrigante et cauteleuse envers ceux dont elle redoutait la puissance, autant Raguse resta modeste dans ses prétentions, dévouée à de nobles sentiments de justice et de générosité. Sa force lui vint de sa probité, et son agrandissement de sa vertu. » Aujourd’hui, Raguse, déserte, silencieuse, ensevelie dans le deuil de son passé, insouciante de l'avenir, re= pose tristement entre ses hautes murailles, d'où jadis s'élevait chaque mois la prière traditionnelle par laquelle le peuple tout entier appelait la bénédiction du ciel sur

le nouveau recteur de la république. Mais Venise, 8

rivale, dort aussi sur son froid lit de marbre, revoyant passer dans ses rêves de brillants cortéges de seigneurs et des flottes pavoisées, et jetant une dernière fois son” anneau de fiançailles aux flots aimés de l'Adriatique. Peu de temps après avoir quitté Gravosa, on laisse à sa gauche l'île charmante de Lacroma, située ‘en face même de Raguse, et célèbre par le passage de Richard Cœur-de-Lion, à son retour de la Terre-Sainte. Résidence d'été de l'infortuné prince Maximilien, alors qu'il commandait la flotte autrichienne, elle avait été transformée par lui en un véritable jardin de plaisance, où,