Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

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ne furent en réalité construits que sur la frontière ellemême, et en territoire ottoman : un certain nombre même furent ultérieurement détruits. Du reste, les puissances, revenues enfin de leur torpeur, n’eussent point permis une prise de possession aussi complète de la principauté, et il avait suffi d’une démarche du prince Nicolas auprès du sultan pour en arrêter l'exécution *.

A la guerre néfaste qui venait de se terminer, allaient succéder pour la Tsernagore la disette et la misère. La ruine des récoltes dans les Bielopavitj, l'arrêt des cultures dans tout le reste du pays, la perte des troupeaux, la suspension de tout commerce : tout se réunissait pour fournir un triste épilogue à l'écrasement de l'armée monténégrine. Les victimes de la sanglante et longue lutte n'étaient qu’un contingent enlevé à celui de la famine, ‘et, selon la triste expression de Mirko : « Ceux que la guerre eût épargnés seraient morts de faim. »

Les sympathies ne manquèrent point généralement à la Tsernagore dans ces tristes conjonctures ; des secours en vivres et en argent lui arrivèrent de divers côtés, et la France seule fit passer aux montagnards pour plus de six cent mille francs de grains, destinés à parer aux premières nécessités.

Nicolas 1°" fut donc à même de connaître , dès Le début de son règne , toutes les calamités qui peuvent atteindre un peuple et mettre en jeu son existence : enseignement chèrement payé à la vérité, mais auquel le jeune prince dut sans doute la prudence précoce qu'il apporta dans

1 C'est à la suite d'une dépêche adressée le 5 février 1863 par le prince du Monténégro, que la Sublime Porte, par sa réponse en date du 3 mars, renonça à la mise à exécution de l'article 6 de la convention de Scutari.