Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

336 LE MONTÉNÉGRO CONTEMPORAIN.

« Si celui-ci, vivant, ô ma bien-aimée, te cède à Lakésitch ou à tout autre, Dieu aidant, que de sa propre main il s'en donne la mort. »

Le bey dépose le sabre bien aiguisé et se prépare au repos; il s'endort, le jeune Dome , jurant encore de périr pour sa belle.

Chez ses parents la fille a entendu la demande qu'a envoyée Lakésitch; à son père, à son frère, elle dit : « Je ne serai qu'à Liubovitch. »

« Ne le fais pas, ma fille, ne Le fais pas ma sœur, tous deux ont-ils répondu; en agissant ainsi, {u nous prépares une perte cerfaine. »

« Le bey assemblera tout le Mostar et Lubinieh, et les treize kadiluks (préfectures), sans compter les névessigné (districts).

« Car furieux comme il sera, il mettranotre (nevessigné) maison en ruines, et de nouveau tu seras à lui quand il t’aura faite prisonnière. »

Puis le vieux père, bien doucement dit à sa fille :« Prends, Haïka, prends, mon enfant, le Lakésiteh de Mostar. »

« Oui, père, dit la fille, en face du salut de la maison, le fer, la corde, la pierre au cou, la Nérenta (ri ivière) pour demeure éternelle, tout ftel est léger. »

Dans sa haute tour, le bey dort; ses rêves sont pour Haïka; mais où donc est sa vieille mère? elle est en bas, près du cheval. |

Et qu'y fait-elle? elle embrasse le cheval; elle-même lui passe la bride, puis sur la porte de l'écurie au valet Hussein le remet,

« À Bichina emmène le cheval au méchant bey Lakésilch, et dis-lui de laisser tranquille l’infortunée demeure de Liubovitch. »

Ainsi parle la vieille au valet; puis, de sa main elle se -voile les yeux pour ne pas voir le cheval faisant les pre miers pas pour son triste service.