Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE ONZIÈME. 335

Parmi les pièces nombreuses dues à l'inspiration du chef des Monténégrins, qu'il nous soit permis, puisque l'occasion s'en présente naturellement ici, d'en choisir une des plus récentes, qui donnera, malgré les imperfections de la traduction, une idée de son talent poétique et de sa riche imagination. C'est un récit rhythmé comme les chants de guzla, et dont le fond appartient aux légendes du pays de Zéta; le prince à su l’orner des fleurs les plus délicates de la poésie orientale.

LA FIANGÉE D’ALI-BEY.

Une missive légère est arrivée au château de Liubovitch ; Ali-Bey la lit, la regarde et la pose sur les genoux de sa mère. « Regarde, ma bonne mère, ce qu'écrit le bey Lakésitch; il dit que Haïka, ma fiancée, n’est plus à mot.

« Tu verras encore qu’il m'invite à lui envoyer à Bichina, dans les Svati, mon cheval noir; ou de décider en combat singulier à qui sera Haïka.

« C'est pour cela que tu diras à mon valet Houssein de donner double ration au cheval et de bien l’équiper.

« Et puis à l'aube, qu’il m’attende dans la cour; car je compte aller à, la rencontre de ce serpent qui a nom Lakésitch. »

Le bey a prononcé ces mots à table; il s’achemine alors vers la haute tour, et ayant décroché le yatagan, il jure à Haïka sa belle;

Il jure, le bey, le pauvre bey; il lui jure sa foi constante, comme si elle était sur le lit où il a coutume de se reposer :

« Haïka, mon âme, tu es à moi; je ne veux point du jour sans toi; à quoi me servirait le monde entier sans tes baisers.

« Regarde ce sabre tranchant; il appartint à feu mon père; eh bien, qu'il ouvre la gorge de ton fiancé, Haïka.…