Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE ONZIÈME. 341

chantent plus haut, ils vont plus joyeusement; leur allégresse est plus grande encore.

La Morine s’est couverte d’un épais brouillard, et déjà dans la plaine une grande pluie a surpris les svati.

Les svati audacieux avaient laissé sous Blagaï leurs burnous; maintenant ils défont leurs turbans et par galanterie en enveloppent la jeune fille.

La montagne Morine fume et gronde; le mugissement retentit dans la plaine; le vent du nord et les tourbillons de neige l’entourent tout entière.

Les svati se resserrent à l'extrémité de la plaine et déjà une certaine panique les saisit à l'aspect de la Morine.

Le froid commence à les saisir, l’eau-de-vie et la fatique les accablent, à mesure qu’ils approchent de la montagne épouvantable.

« Que faire, que devenir, » se demandent-ils lun à l'autre. « Faisons comme le bey nous l’ordonne; » et le bey amoureux se presse toujours.

« Montez, montez, » leur dit le bey: les désirs de l’amour le réchautfent,

« En avant, svati. » Ceux-ci le suivent, et le tourbillon les enveloppe.

Haïka voit ce qui se passe et commence aussi à ressentir le froid; elle serre de ses blanches mains le cou du bon cheval.

Une vigueur nouvelle anime le coursier, dans la crinière duquel elle noue la bague du jeune Liubovitch.

« Si je reste dans la Morine, sous la neige, comme je le crois, toi, mon cher Noir, va tout droit au château d’Ali;

« Tu lui rapporteras cette bague, dit la fille au cheval; par elle il connaîtra que mon cœur a toujours été à ui. »

Les svati frayent la neige devant la fille; mais le sillon disparaît immédiatement sous une neige nouvelle que ramène le vent du Nord.

Ils n'avaient pas fait grand chemin et déjà compagnon ne