Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE ONZIÈME. 343

rivières ne l’arrêtent plus; la nature se pacifie et l’épouvantable tourbillon cesse.

Dés que le cheval a reconnu la plaine, la curieuse Jueur disparaît ; il se ressouvient de cette belle plaine et d'Ali son premier maître : cette plaine est Névessigné.

Au bas de la plaine sort deux routes, l'une conduit à Mosiar, de l'autre on découvre le blanc château de Liubovitch. C'est celle-ci que prend le Noir; il a soin de son cher fardeau qui est devenu muet déjà dans la montagne.

La fille est tout à fait glacée; elle n'a plus le sentiment de l'existence ; elle ne sait point où va le cheval, et le cheval s'arrête. E

Il s'arrête devant le château de Liubovitch, il s'arrête le bon coursier; fumant de fatique, il s'arrête et commence à hennir. Au palais la mère d’Ali s'éveille et pousse un cri.

« C'est le cheval. Ah ! que je suis heureuse! » Vite elle ouvre la porte, appelant son fils et les serviteurs pour recevoir le coursier.

Ali s'élance de sa couche et descend les degrés de son beau château; et dans la cour que voit-il? Son beau cheval et sur lui la belle Haïka.

Revenons cependant à la veillée princière où les heures s’écoulent plus rapides et peut-être plus gaies que dans les réunions somptueuses des grandes cours, et reconnaissons combien ces entrevues particulières du chef du pouvoir avec ses sujets sont propres à nourrir l'amour du pays et de son souverain dans le cœur des montagnards; à relever à leurs propres yeux les gens de toute classe admis quelquefois à y assister; à confondre dans un sentiment unique de dévouement à la patrie tous les rangs d’un peuple qui jouit autour de son prince de toutes les prérogatives de l'égalité. Nicolas I* sait en effet, sans rien perdre de son air de noblesse habituel,