Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

CHAPITRE QUINZIÈME. 407

alors pour reconnaitre et frayer les chemins, dont le tracé est devenu méconnaissable, et la circulation se rétablit enfin entre une double muraille de neige où disparaissent complétement à la vue piétons et cavaliers. La capitale n'échappe point elle-même à cet encombrement hivernal, et il arrive que pendant des mois entiers on y voyage à travers un dédale d'étroits sentiers, tracés suivant les besoins des communications.

Le mois de mars et les trois derniers mois de l’année sont habituellement signalés par des vents de Sud-Ouest, venant de l’Adriatique, et soufflant en ouragan ; des torrents de pluie inondent les montagnes Let se précipitent le long des pentes dénudées, dans ces nombreuses petites plaines qui, semblables aux alvéoles d'une immense ruche à miel, suivant l'ingénieuse comparaison de M. Delarue, sont creusées çà et là sur la surface du massif monténégrin. Absoïbées rapidement par un sol d'une extrême porosité?, ces masses d’eau s'engouffrent dans les souterrains toujours ouverts qui sillonnent les profondeurs de la Montagne-Noire, et atteignent, par ces voies intermédiaires, le lit des rivières dont nous avons décrit le cours, pour se confondre finalement dans le ré-

1 La ville de Cattaro, soumise aux mêmes intempéries, n'est, en quelque sorte, pas habitable aux mêmes époques. M. Xavier Marmier disait à ce propos : « La pluie tombe ici comme je ne l'ai vue tomber nulle part, si ce n'est en Egypte; seulement, en Égyple, c'est une trombe qui s'épuise en une demi-heure, tandis que sur les monts de Cattaro, elle se renouvelle sans cesse, et, d’une voûte de nuages noirs, descend perpétuellement pendant des semaines entières. » (Lettres sur l'Adriatique et le Monténégro.)

2 Au-dessous d'une couche d'humus qui, dans certains points, ne dépasse pas une dizaine de centimètres, on rencontre immédiatement une poussière calcaire, quelquefois très-profonde, à travers laquelle la filtration des eaux s'opère avec la plus grande facilité.