Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures

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gentes mains, promettent un sûr revenu; dans la Tsernifsa, le figuier, le grenadier, l'oranger, le citronnier, l'olivier et la vigne n'attendent que l'automne pour combler les vœux des heureux habitants de cette nahia fortunée de la Tsernagore; enfin, dans les Berda, une herbe haute, abondante, recouvrant de son vert tapis toutes les ondulations des montagnes , offre d'excellents pâturages à des milliers de troupeaux de chèvres et de moutons qui, l'hiver venu, tomberont en nombreuses hécatombes pour fournir à Trieste leurs peaux et leurs toisons, et à la côte dalmate, la succulente castradine.

Malgré la rigueur de son climat, la Montagne-Noire a donc aussi sa petite richesse et ses beaux jours : l’une suffit aux modestes désirs de ses habitants; les autres pourront captiver même des étrangers, et laisser dans le cœur de ceux-ci d'ineffaçables souvenirs !

Soumis aux vicissitudes et aux intempéries de son rude climat, auxquelles une précoce accoutumance le rend de bonne heure insensible ; réduit par son extrême pauvreté à la pratique forcée de la sobriété; sans cesse entretenu dans une bienfaisante activité par des jeux virils, par la marche et le travail : vivifié par l'air pur de ses montagnes, le Tsernogortse acquiert une résistance telle contre tous les agents extérieurs, que les-règles les plus élémentaires de l'hygiène lui sont presque aussi inutiles qu'indifférentes. Exposé chaque jour à reprendre sa vie belliqueuse à travers les rochers, sans abri ni couvert, il ne songe point aux raffinements d'un bien-être dans lequel il ne pourrait que s’amollir: dans sa modeste habitation, où pénètrent à volonté Les courants d'air et l'humidité, il échappe à peine aux influences du dehors, et ne retrouve guère que les conditions d'un véritable